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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

est contredit par les observations, ils ne pensent pas que des hypothèses deviennent certaines par cela seul qu’elles sauvent les apparences ; il n’est pas prouvé, en effet, que d’autres hypothèses, non encore imaginées, ne sauveraient pas également ces mêmes apparences. Ce principe, qu’il avait lu dans Simplicius, Saint Thomas l’a formulé a deux reprises ; nous allons en retrouver l’affirmation dans la bouche d’un maître particulièrement qualifié pour représenter l’esprit et les tendances de l’Université de Paris ; nous avons nommé Jean de Jandun.


II
JEAN DE JANDUN

Johannes Gendini, Ghandoni, de Gandinio, de Gendinio, de Ganduno, de Gandone, de Gandono, de Jandono, de Genduno, de Janduno, telles sont les dénominations multiples que les textes contemporains attribuent au maître dont nous allons parler [1] ; les imprimeurs de la Renaissance ont encore accru la confusion en le nommant, fort souvement Jean de Gand, Joannes de Gandavo. Un document digne de foi nous apprend qu’il était né au diocèse de Reims ; son nom rappelait donc le village de Jandun, aujourd’hui compris dans le canton de Signi-l’Abbaye et dans le département des Ardennes.

Nous ignorons le temps où Jean de Jandun vint étudier, puis enseigner en la Faculté des Arts de Paris ; mais nous pouvons tenir pour certain qu’en 1316, il avait déjà la réputation d’un professeur expérimenté. En cette année-là, Jeanne, femme de Philippe le Bel, ayant fondé le Collège de Navarre, la charge de « maître des artiens » fut confiée à Jean de Jandun ; en cette même année, Jean XXII confiera à notre philosophe un des canonicats du chapitre de Senlis.

« Jean de Jandun était donc [2] à Senlis le 3 juillet 1323 quand il reçut d’un de ses amis une lettre contenant, entre autres, ces mots d’une saveur toute scolastique : « Tu dois avouer, je pense, » qu’être à Paris, c’est être, dans le sens absolu, simpliciter ;

  1. Tous les renseignements biographiques sur Jean de Jandun sont tirés de la belle étude suivante ; Noël Valois, Jean de Jandun et Marsile de Padoue, auteurs du Defensor pacis (Hisfoire littéraire de la France, t, XXXIII, pp. 528-623).
  2. Noël Valois, Op. laud., pp. 531-533.