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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

être ailleurs, c’est notre que d’une façon relative, secundum quid. » Froissé dans ses goûts provinciaux, Jean de Jandun répondit en énumérant, non sans verve, les modalités qui constituaient suivant lui l’existence à Senlis…

» Ce charmant plaidoyer eut le malheur de déplaire à un habitant de Paris qui, pour venger la capitale, entreprit de célébrer dans un style boursouflé, les incontestables mérites d’une ville qui défiait et défierait toujours toute comparaison…

» Jean de Jandun ne crut pouvoir mieux répondre aux attaques de ce maussade écrivain… qu’en lui prouvant, que, sans cesser de rendre justice à Senlis, il y avait moyen de faire de Paris un éloge beaucoup plus complet, plus persuasif, et où les faits tiendraient la place des creuses métaphores, des généralités froides. Ainsi piqué au jeu, il rédigea tout un traité où la recherche du style ne nuit heureusement pas à l’élévation des idées, où l’observation inattendue des règles du cursus sert seulement à montrer que le philosophe, chez lui, se double, au besoin d’un rhétoricien, et qui, dans ses deux premières, et plus longues parties, présente une description extrêmement précieuse* du Paris de 1323. »

Le De laudibus Parisius de Jean de Jandun fui achevé, en effet, le 4 novembre 1323.

Mais bientôt le philosophe érudit qui avait savamment commenté Aristote, le lettré délicat qui avait loué les charmes de Senlis et les grandeurs de Paris, allait se révéler polémiste d’une extraordinaire violence. Le 24 juin 1324, Jean de Jandun et Marsile de Padoue achevaient de rédiger le Defensor pacis.

Le 23 mars 1324, le pape Jean XXII avait lancé l’excommunication contre Louis de Bavière. Prenant partie pour le roi des Romains, Marsile de Padoue et Jean de Jandun composèrent, contre la suprématie du pape et contre l’organisation de iliglisc romaine, un réquisitoire dont Luther même n’a jamais égalé l’audace.

Après la publication du Defensor pacis, Jean de Jandun et Marsile de Padoue demeurèrent quelque temps à Paris, sauvegardés par l’anonymat du libelle qu’ils avaient écrit. Mais bientôt cet anonymat fut percé à jour. Marsile alors s’enfuit en Allemagne, accompagné sans doute par le chanoine schismatique de Senlis ; en 1326, cette fuite était un fait accompli ; « vers ce temps-là », dit un des continuateurs de Guillaume de Nangis, « ces deux fils du diable vinrent à Nuremberg. » En cette même année 1326, Jean XXII lançait contre les deux hérétiques une première bulle d’excommunication ; la protection de Louis de Bavière les sauva du bûcher.