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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

Or ces enseignements, Jean de Jandun les connaissait assurément. Avait-il observé lui même le mouvement, des astres ? Nous l’ignorons. Mais nous savons qu’il suivait avec compétence les recherches des astronomes de profession. Dans un opuscule [1] intitulé : Theorica motus longitudinum septem planetarum, un certain Petrus de Guclina ou, mieux, Petrus de Giubina entreprend de rendre plus parfaites certaines démonstrations de Gérard de Crémone ; et c’est « excellentissimo doctori Magistro Joanni de Ganduno » qu’il dédie son ouvrage.

Jean de Jandun sait donc ce que requièrent les lois expérimentalement établies par l’étude des astres ; voilà pourquoi, en dépit d’Averroès, nous l’entendrons [2] affirmer, « avec Ptolémée et tous les astronomes modernes », qu’il est nécessaire de mettre des excentriques et des épicycles dans le ciel »

« En effet, il faut admettre, au sujet des corps célestes, les hypothèses qui permettent de sauver les phénomènes (salvare apparentias) observés depuis longtemps et constatés sans qu’aucune erreur soit à craindre, lorsqu’il est impossible, sans recourir à ces hypothèses, de sauver ces phénomènes et d’en rendre raison. » Or, c’est ce qui rend indispensable l’hypothèse des excentriques et des épicycles ; avec elle, il est possible d’expliquer pourquoi la Lune ou quelque planète paraît tantôt plus grande et tantôt plus petite, pourquoi la marche d’une planète est tantôt directe et tantôt rétrograde ; sans elle, semblable explication devient impossible.

Averroès, cependant, accablait cette hypothèse de nombreuses critiques ; ces critiques, Jean de Jandun les connaît fort bien et les rapporte fort exactement ; pourquoi ne leur accorde-t-il pas

  1. Maximllian Curtze, Ueber die Handschrift R 4o2, Problematum Euclidis explicatio der Konigl. Gymnasialbibliothek zu Thorn (Zeitschrift für Mathematik und Physik, XIIIter Jahrgang, Supplément, 1868, p. 79). — Heinrich Wieleitner, Der « Tractatus de latudinibus formarum » des Ores, (Bibliotheca mathematica, 3te Folge. Bd. XIII, 1913, pp. 120-121, en note). Le texte étudié par M. Curtze se termine ainsi : Explicit Anno domini MoCCCoLIXo, Cette date est évidemment celle de la copie et non celle de l’ouvrage ; en 1359, Jean de Jandun était mort depuis plus de trente ans.
  2. Joannis de Janduno. Acutissimœ quœstiones in dutodecim libros Metaphysicœ, ad Aristotelis et magni Commentatoris intentionem ab eodem exactissime disputatœ ; in lib. XII quæst. XX : Num ecentrici orbes et epicycli plures sint in corporibus cælestibus secundam naturam rei. Cet ouvrage a été imprimé à Venise en 1525, 1553, 1560 et 1586. — Un manuscrit du British Museum contient une : Questio magistri J. de Gandavo super epicyclis et ecentricis où le problème des excentriques et des épicycles est traité tout autrement qu’en l’ouvrage précédemment cité. M. Noël Valois pense (Op. laud., p. 559) que rien n’oblige à attribuer cette question à Jean de Jandun. Houzeau et Lancaster (Bibliographie générale de l’Astronomie, no 2342, p. 561) l’attribuent formellement à Jean Dullaert de Gand (1471 ?-1513).