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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

le crédit sans borne que les dires du Commentateur peuvent, en général, réclamer de lui ?

C’est qu’il existe deux manières différentes de présenter la théorie des épicycles et des excentriques.

De ces deux manières, la première prête le flanc à toutes les critiques d’Averroès, qui en démontrent l’absurdité ; elle attribue aux diverses planètes des orbites excentriques sans contact les unes avec les autres ; elle suppose que le centre de l’épicyclc se trouve sur l’orbite. Cette forme inacceptable donnée à la théorie des excentriques et des épicycles est l’œuvre de « certains astronomes qui se préoccupaient fort peu de Philosophie naturelle, mais qui voulaient uniquement connaître le lieu, le signe et le degré d’une planète ; alors, ils ont décrit ces cercles distants les uns des autres ; que l’intervalle fut vide ou qu’il fût rempli par quelque corps d’une autre nature, ils n’en avaient cure, car cette question ressortit à la Philosophie naturelle ; ce qu’ils voulaient, c’était d’atteindre leur objet au moyen de cercles ainsi tracés ; et, pourvu qu’ils l’atteignissent, ils n’avaient nul souci des impossibilités qu’entraînait cette description du système du Monde, qu’ils attribuaient à Ptolémée ; c’est contre eux que se dressent les arguments du Commentateur. »

Mais il existe une autre manière de présenter la théorie des excentriques et des épicycles ; selon cette seconde méthode, chaque planète a trois orbites contiguës les unes aux aubes, et ses orbites extrêmes sont contiguës aux orbites des planètes voisines ; en outre, l’épicycle se meut dans l’épaisseur même de l’orbite intermédiaire.

« Les excentriques et les épicycles, compris de cette seconde manière, n’ont rien d’impossible ». Ils rendent compte d’une manière très satisfaisante de tous les phénomènes célestes.

Mais de ce que « ces orbites déterminent exactement les lieux et les mouvements des planètes, de ce qu’elles conviennent parfaitement au calcul et à la construction des tables des mouvements célestes », en résulte-t-il quelles aient une existence essentielle et réelle, in esse et secundum rem ? Peu importe à l’astronome. « Il lui suffit de savoir ceci : Si les excentriques et les épicycles existaient, les mouvements célestes et les autres phénomènes se produiraient exactement comme ils se produisent, et cela, par le fait seul qu’on supposerait de tels excentriques et de tels épicycles, que, d’ailleurs, ces orbites existent réellement parmi les corps célestes ou qu’ils n’existent pas ; cela suffit à l’astronome on tant quastronome, car l’astro-