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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

nome n’a point à se soucier du pourquoi (une) ; pourvu qu’il ait le moyen de déterminer exactement les lieux et les mouvements des planètes, il ne demande pas si cela provient ou non de l’existence réelle de telles orbites dans le ciel ; cette recherche regarde le physicien ; car une conséquence peut être exacte lors même que son antécédent serait impossible. »

Jean de Jandun, d’ailleurs, ne dissimule, pas à son lecteur qu’en admettant la possibilité des excentriques et des épicycles, fût-ce sous la forme que Ptolémée leur a donnée, qu’Al Hazen leur a conservée, il va contre l’intention du Commentateur ; celui-ci entendait bien rejeter complètement ces sortes d’orbites pour leur substituer un système tout différent. « Al Farahi, lui aussi, ajoute Jean de Jandun, a beaucoup insisté sur ce point, et plus encore Alphraganus, qui a suivi les indications d’Averroès ; Alphraganus a tenté d’expliquer les phénomènes célestes sans recourir aux orbites excentriques et épicycles ; on le voit dans le livre qu’il a composé sur ce sujet ; mais ce livre est très difficile à comprendre. »

Il est évident que les copistes et les imprimeurs ont altéré les noms des astronomes arabes que Jean de Jandun citait en ce passage ; au nom d’Al Farahi, il faudrait substituer sans doute celui d’Ibn Bâdja ou d’Ibn Tofail ; quant au nom d’Alphraganus, aucune hésitation n’est permise ; là où il a été lu, l’auteur avait sûrement écrit celui d’Alpétragius ; Jean désigne clairement l’ouvrage astronomique d’Al Bitrogi qu’il juge, avec raison, d’une lecture difficile ; aussi, si l’on excepte Bernard de Verdun et Roger Bacon, les Scolastiques n’ont-ils jamais eu qu’une connaissance très superficielle de la théorie qui s’y trouvait exposée.


III
DURAND DE SAINT-POURÇAIN

Les combinaisons d’orbes solides que Ptolémée avait imaginées aux Hypothèses des planètes, que les astronomes chrétiens avaient connues au temps de Roger Bacon et de Bernard de Verdun, avaient grandement contribué au triomphe de l’Astronomie de l’Almageste ; elles réduisaient à néant plusieurs des objets d’Averroès ; elles avaient sinon décidé, du moins incliné certains Averroïstes tels que Jean de Jandun à délaisser, en cette question, les enseignements du Commentateur.