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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Le Dominicain Durand de Saint-Pourçain paraît avoir, comme Jean de Jandun, reconnu dans ces combinaisons la seule forme sous laquelle un philosophe, soucieux des enseignements de la Physique, pût accepter le système des excentriques et des épicycles.

Il est assez malaisé de dater les volumineux Commentaires aux quatre livres des Sentences de Pierre Lombard que Durand de Saint-Pourçain a composés. La tâche semble même d’autant plus illusoire que cette composition a duré de longues années ; à la fin de son œuvre, l’auteur a mis une courte conclusion qui débute par cette phrase : « Scripturam super quatuor Sententiarum libros juvenis inchoavi, sed senex complevi ». Il est à croire, toutefois, qu’on ne se tromperait guère en plaçant la rédaction de cet écrit entre 1320 et 1340. Il est donc sensiblement plus récent que les traités de Jean de Jandun ; nous le placerons, cependant, tout auprès de ceux-ci ; dans l’histoire que nous tentons d’écrire, en effet, il importe moins de rapprocher les œuvres par la communauté du temps où elles furent accomplies que par la similitude des pensées qui les inspirent.

L’étude de l’œuvre des six jours de la création amène Durand, comme la plupart des commentateurs des Sentences, à développer ses opinions astronomiques. C’est ainsi qu’il est conduit à écrire le passage suivant [1] :

« Les étoiles fixes se meuvent seulement du mouvement de la huitième sphère… Quant aux planètes, bien qu’Aristote, au second livre Du Ciel et du Monde, affirme qu’il en est de même, les astronomes parlent d’une manière plus exacte lorsqu’ils affirment que ces étoiles se meuvent selon des excentriques et des épicycles.

» Touchant les excentriques, cela est évident ; car une étoile qui se meut seulement du mouvement de sa sphère ne saurait s’approcher tantôt plus et tantôt moins de la Terre, puisque toutes les sphères sont concentriques ; mais les planètes s’approchent de la Terre tantôt plus et tantôt moins, comme le montrent les observations astronomiques… C’est pourquoi les astronomes ont été obligés d admettre que le mouvement des planètes se fait sur des cercles excentriques…

» Même évidence au sujet des épicycles. Les sphères des planètes se meuvent toutes d’Occident en Orient ; si donc les planètes se mouvaient uniquement du mouvement de leur sphère, et qu’une nuit, une certaine planète se trouvât dans la direction d’une étoile

  1. Magistri Durandi de Sancto-Portiano Super sententias theologicas Petri Lombardi commentarii ; lib. II, dist. XIV, quæst. III : Utrum stellæ moveantur motu solum suæ spherœ vel, præter illum, habeant proprium motum.