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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

Or, d’une part, le système des sphères homocentriques prêtait immédiatement à la construction de semblables modèles ; d’autre part, les arguments d’Averroès semblaient surtout destinés a prouver que l’Astronomie de l’Almageste ne se pouvait aucunement figurer par de tels agencements d’orbes solides ; c’est par là, il est permis de le penser, que la discussion du Commentateur avait porté des coups redoutables au système de Ptolémée, bien plus qu’en mettant en évidence la contradiction de ce système avec la Physique d’Aristote.

Mais voici qu’en 1267, les chrétiens ont connaissance des mécanismes qu’en son Résumé d’Astronomie Ibn al Haitam avait empruntés aux Hypothèses des planètes de Ptolémée. Les mécanismes, faciles à dessiner ou à sculpter, figurent, de la manière la plus aisée à saisir, les mouvements que l’Almageste attribue aux excentriques et aux épicycles. Il n’en faut pas davantage pour que l’imagination change de camp et qu’elle apporte au système de Ptolémée son très puissant concours. Ce concours ne tarde pas à déterminer le triomphe de l’Astronomie des épicycles et des excentriques.

Aussitôt après Roger Bacon, voire de son vivant, ce triomphe est complet dans l’ordre des Frères mineurs ; les écrits de Bernard de Verdun, de Richard de Middleton, de Jean de Duns Scot, nous en ont donné l’assurance. Déterminée, peut-être, par l’adhésion des Frères mineurs au système de Ptolémée ou, simplement, contemporaine de cette adhésion, la décision des séculiers de l’Université de Paris se porte dans le même sens. Dès les dernières années du xiiie siècle et, à plus forte raison, dès le début du xive siècle, cette Université se montre, nous l’allons voir, pleinement acquise aux hypothèses des excentriques et des épicycles ; si l’on y parle encore des objections d’Averroès contre ces hypothèses ou de la théorie qu’Alpétragius leur a voulu substituer, on en parle comme d’un débat passé et définitivement jugé.

Mais si l’accord est unanime, à Paris, en faveur du système de Ptolémée, des nuances se marquent entre les pensées qui sont émises au sujet de ce système. Ce n’est pas de la même manière qu’il intéresse tous les maîtres. Parmi ceux-ci, en effet, il en est qui sont surtout philosophes ; ce qui les préoccupe au plus haut degré, c’est la nature et la valeur même des hypothèses sur lesquelles repose l’Astronomie de l’Almageste ; ils se demandent jusqu’à quel point les mécanismes qui figurent cette Astronomie sont conformes à la réalité ; ils recherchent curieusement de