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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

dans le ciel des excentriques et des épicycles. Alpétragius, au contraire, dans son livre De sphæra mota, nie l’existence des excentriques et des épicycles ; il s’efforce d’expliquer par des retards toutes les diversités que nous voyons dans les mouvements célestes ; il prétend que toutes ces variations dans le mouvement des planètes proviennent uniquement de ce qu’une planète est plus lente qu’une autre. Mais, pour nous, nous n’avons jamais vu qu’on pût, sans excentrique ni épicycle, sauver clairement toutes les apparences qui se manifestent dans les mouvements des planètes, non plus que celles qui se manifestent dans leurs distances : tantôt, en effet, les planètes sont à l’auge supérieure, car elles sont plus éloignées de la Terre ; tantôt elles sont à l’opposé de l’auge, car elles sont plus proches de la Terre. Ni en leurs rétrogradations, car la marche d’une planète est tantôt directe et tantôt rétrograde. Cette opinion, cependant, beaucoup se sont efforcés de l’improuver. Le Commentateur, au XIIe livre de la Métaphysique, comm. 45, contre cette hypothèse apporte ses raisons qui, à vrai dire, ne sont pas parfaitement concluantes (licet non perfecte concludant). Au contraire, la pensée de Simplicius paraît être la suivante : Lors même que toutes les autres apparences pourraient être sauvées sans excentrique, cette apparence-ci, cependant, ne pourrait être sauvée : Le Soleil est plus distant de la Terre en été qu’en hiver ; le centre du cercle déférent du Soleil est donc hors du centre du Monde ; ce centre ne coïncide pas avec le centre de la Terre ; d’un côté, ce cercle déférent s’éloigne plus de la Terre que de l’autre côté ; pendant l’été, le Soleil se trouve en la partie qui est la plus distante de la Terre ; durant l’hiver, il est en la partie qui est la plus voisine de la Terre ; et cela se manifeste d une manière sensible. Selon ce raisonnement, il faut admettre qu’il existe des excentriques, et, pour une semblable raison, il faut supposer des épicycles. »

Gilles de Rome revient, en un autre endroit [1] sur les hypothèses astronomiques ; il pose avec netteté le principe qu’il nous faut suivre dans le choix de ces hypothèses ; non seulement elles doivent sauver les apparences, mais elles doivent les sauver par les artifices les plus simples qu’il soit possible d imaginer : « Propter quod sciendum quod cælestes apparentias salvare debemus per pauciora quam possumus… Si nous pouvions donc, par la seule diversité des sphères planétaires, sauver toutes les apparences

  1. Ægidii Romani Op. laud., Secunda pars, cap. XXXVI ; éd. cit., fol. 53, coll. b et c.