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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

masse d’une couche sphérique, limitée par deux sphères concentriques au Monde, et qui sera la sphère de la planète.

Cette sphère de la planète sera chargée de communiquer au tore déférent le mouvement diurne et le mouvement lent avec lequel se déplace l’auge de la planète, Mais, pour toutes les planètes, ces mouvements sont les mêmes, et ils sont les mêmes que les mouvements par lesquels tourne la sphère des étoiles fixes ; il est donc parfaitement inutile de détacher les nues des autres les sphères des diverses planètes et de détacher la sphère de Saturne de la sphère des étoiles fixes. Dès lors, de la concavité de l’orbe de la Lune à la convexité de l’orbe des étoiles fixes, une matière solide unique s’étend, mue du double mouvement dont nous venons de parler. Au sein de cette matière, des cavités sont creusées, qui ont la figure de tores excentriques au Monde ; un solide de même figure remplit chacune de ces cavités et tourne, du mouvement qui lui est propre, autour du centre de son cercle de gorge. Enfin, dans chacun de ces tores solides est enchâssée une sphère épicycle qui tourne autour de son centre en entraînant la planète qu’elle contient.

Telle est la machine céleste que Gilles de Rome conçoit et qu’il décrit à plusieurs reprises[1]. Pour la pendre aisément intelligible, il use de comparaisons naïves auxquelles il revient sans cesse. « Les excentriques, dit-il, sont dans les cieux comme la moelle est dans l’os ». Il assimile l’épicycle à une pomme dans laquelle la planète est fichée.

Cette manière de concevoir les orbes des astres, les Hypothèses des planètes l’avaient déjà décrite[2], et elles en avaient fait valoir la très grande simplicité. Mais, à notre connaissance, aucun astronome de l’Islam ou de la Chrétienté ne l’avait encore exposée. Gilles la tient-il, directement ou indirectement, des Hypothèses des planètes, ou bien l’a-t-il retrouvée par la seule puissance de sa propre imagination ? C’est ce que nous ne saurions dire.

Selon cette nouvelle doctrine, la théorie des excentriques et des épicycles ne le cède plus en simplicité à la théorie des sphères homocentriques. « Certains nient[3] qu’il existe des excentriques et des épicycles, comme nous le voyons par le Commentateur, au XIIe livre de la Métaphysique, et par Alpétragius ; s’il en était

  1. Ægidii Romani Op. laud.,, Prima pars, cap. XVI (éd. cit., fol. 15, Coll. b et c), Secunda pars, cap. XXXII (éd, cit., fol. 49, coll. b, c, d). Cap, XXXVI (éd. cit., fol. 53, col. c).
  2. Voir : Première partie, Ch. X, § IV ; t. II, pp. 94-97.
  3. Ægidii Romani Op. laud, Pars aecijmla, cap. XXXII ; édr cil., fol. /pj. col. b.