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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

ainsi, si les planètes n’avaient ni excentriques ni épicycles, si elles se mouvaient uniquement du mouvement de leurs sphères, personne ne pourrait nier que les sphères des planètes ne fussent détachées les unes des autres et détachées aussi de la huitième sphère ; cela est évident par les divers mouvements de ces corps... À moins qu’on ne veuille tomber en des opinions déraisonnables et dire que les planètes se meuvent au sein de leurs orbes comme les poissons dans l’eau ; alors, en effet, il y aurait division du corps de l’orbe ou formation d’un espace vide ou compénétration de deux corps en un même lieu. Ou bien encore à moins qu’on ne veuille tomber en une autre opinion déraisonnable et dire : Une masse d’eau peut, tout en demeurant continue, se mouvoir partie vers un certain lieu et partie vers un autre lieu ; ainsi pourraient faire les divers orbes ; mais il n’en peut être ainsi sans que l’eau se partage en masses mues différemment ; de même, ou ne pourrait faire une telle supposition à l’égard des orbes sans admettre que les orbes sont détachés les uns des autres ».

Au contraire, si nous admettons l’existence des excentriques et des épicycles. « nous pouvons sauver [1] toutes les apparences sans supposer que les sphères des planètes soient détachées les unes des autres et de la huitième sphère. Nous pouvons admettre qu’elles forment toutes un seul corps continu. Avec ce corps continu, les excentriques des planètes ne sont pas en continuité, mais seulement en contiguïté ; comme nous le disions plus haut, ils sont logés dans ce corps continu comme la moelle l’est dans l’os ; or il est vain qu’un effet soit produit par des moyens plus nombreux lorsqu’il pourrait, et aussi bien, se produire par des moyens moins nombreux (frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora et æque bene) nous pouvons donc admettre qu’à partir du globe de la Lune et au-dessus, il existe un corps unique, continu avec la huitième sphère, et supposer qu’au sein de ce corps, il y a, de la manière que nous avons dite, des excentriques et des épicycles ; ces hypothèses faites, en effet, nous pouvons sauver toutes les apparences ; ceux mêmes qui sont peu instruits en Astronomie peuvent fort bien le reconnaître ; en effet, il n’est pas nécessaire de donner aux sphères des planètes un mouvement autre qu’à la huitième sphère ; il suffit d’attribuer un tel mouvement propre aux excentriques et aux épicycles ».

  1. Ægidii Romani Op. laud., Pars secundo, cap. XXXXVI ; éd. cit., fol. 53, col. c.