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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

Cette masse céleste qui, de la concavité de l’orbe de la Lune, s’étend, à la façon d’un solide continu, jusqu’à l’orbe des étoiles fixes, quel en est le mouvement ? C’est ce qui reste à examiner.

Dans son Opus hexaemeron, Gilles de Rome revient fréquemment au mouvement de la sphère des étoiles fixes [1] ; cette insistance suffirait à nous apprendre, si nous ne le savions déjà par ailleurs, que les systèmes proposés pour rendre compte du mouvement de précession des équinoxes occupaient fort les astronomes de son temps.

« La huitième sphère, écrit Gilles [2], se meut de deux mouvements contraires ; elle se meut, en effet, d’Orient en Occident sur les pôles de l’équateur ou pôles du Monde, et elle se meut en sens contraire, d’Occident en Orient, sur les pôles du Zodiaque, qui sont les propres pôles de la huitième sphère. Le premier de ces mouvements est bien connu ; mais, il n’est pas et ne peut pas être le mouvement propre de la huitième sphère ; c’est, comme on le verra clairement plus loin, le mouvement du premier mobile qui communique sa rotation à la huitième sphère. Au contraire, l’autre mouvement de la huitième sphère, celui qui est de sens contraire au précédent et qui s’effectue sur les pôles du Zodiaque, est caché à tel point qu’il ne peut être saisi sans le secours des armilles et des instruments d’Astronomie ; il y a plus : beaucoup prétendent, et c’est même le commun dire, que la difficulté de le découvrir est si grande qu’on ne l’avait pas encore aperçu au temps d’Aristote ; et en effet, selon Ptolémée, il n’est que d’un degré en cent ans ; il est donc bien difficile de percevoir un mouvement qui emploie autant de temps… Au sujet de la difficulté qu’il y a à découvrir ce mouvement, nous pouvons dire non seulement qu’il s’est écoulé beaucoup de temps avant qu’il ne fût découvert, mais encore qu’il n’est peut-être pas bien connu, même actuellement. Ptolémée, en effet, a pensé qu’il était d’un degré en cent ans et qu’il accomplissait, de cette manière, une révolution complète. Tébith, au contraire, suppose qu’il s’accomplit sur les têtes du Bélier et de la Balance, et que la huitième sphère, mue de la sorte, rétrograde avant qu’elle n’ait accompli une révolution entière. Nous sommes donc assurés que la huitième sphère se meut de deux mouvements contraires, car cela, les instruments

  1. En son Commentaire sur le Second livre des Sentences, il se borne à indiquer sommairement, comme preuve de l’existence d’une neuvième sphère au-dessus de la sphère des étoiles fixes, le mouvement de précession admis pur Ptolémée. (Ægidii Romani Scriptum super Secundo libro Sententiarum, Dist. XIV, quæst. I ; éd. cit., fol. sign. dd 2, col. d).
  2. Ægidii Romani Op. laud., Secunda pars. cap. XV ; éd. cit., fol. 36, col. d.