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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


cun de ces deux astres, afin de figurer les mouvements compliqués que leur suppose l’Almageste.

La théorie des orbes planétaires donnée par Jean de Sicile ressemble tellement a celle de Bacon qu’on se demande si le premier de ces auteurs n’avait pas sous les yeux l’Opus terbium du second. Il est malaisé de ne pas songer à cette hypothèse lorsqu’on lit cette phrase, par laquelle Bacon conclut sa description[1] :

« Ex hac ymaginatione non videtur sequi aliquod dictorum inconvenientium, et tamen contingit per ipsum apparentiam salvare… »
et lorsqu’on en rapproche cette autre phrase par laquelle Jean de Sicile commence son exposition :

« Opportet autem ad hoc quod apparentia salvantur, et contra naturalem Philosophiam inconvenientia non sequantur, in unoquoque planetarum ad minus sint tres orbes sphærici… »

La théorie des mouvements planétaires n’est pas l’objet principal des réflexions de Jean de Sicile ; la théorie du mouvement de la sphère des étoiles fixes le préoccupe bien davantage.

Il nous expose l’histoire des variations des philosophes au sujet de cette théorie ; il le fait en des termes où se reconnaît l’influence du traité De motu octavæ spharæ attribué à l’habit ben Kourrah ; c’est à cet ouvrage qu’il emprunte la description mouvement d’accès et de recès.

Quelles sont les raisons d’admettre un tel mouvement de la huitième sphère ? « Cette supposition de Thébith, » écrit Jean de Sicile[2], « je n’ai pas trouvé quelle fut affermie sur quelque raison autre que celle-ci : Comme Ptolémée avait trouvé que les étoiles fixes se mouvaient d’un degré en cent ans. et Albatégni qu’elles se mouvaient d’un degré en soixante six ans, il sembla naturellement à Thébith que cette différence provenait de ce que ce mouvement était lent au temps de Ptolémée et rapide au temps d’Albatégni. »

Toutefois, notre auteur fait connaître[3] un autre argument que certains faisaient valoir en faveur du système de l’accès et du recès :

« Si ce mouvement était continuellement de même sens, comme Laffirme Ptolémée, il arriverait qu’après une demie révolution de la sphère étoilée, tous les signes septentrionaux deviendraient méridionaux ; alors, la partie de la terre qui est habitable devien-

  1. Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon, p 131.
  2. Joaanis de Sicilia Op. laud., 3a pars principalis ; ms. cit. fob 131, vo.
  3. Joannes de Sicilia ; ibid. ; ms. cit., fol. 132, vo.