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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES


drait cirait inhabitable. Or, les temps dont le souvenir a pu nous être conservé par les livres dépassent déjà 6000 années. Donc, dans la partie septentrionale, un tiers de la terre, qui était habitable, aurait dû devenir inhabitable, et, dans la partie méridionale, un tiers de la terre, qui était inhabitable, aurait dû devenir habitable. Il ne convient pas qu’il en soit ainsi et, d’ailleurs, nos sens ne nous montrent rien de cela. On a donc estimé qu’il n’était pas vrai que la huitième sphère se mût constamment dans le même sens…

» En outre, nous voyons que les diverses saisons de l’année sont plus ou moins chaudes ou froides selon que le Soleil s’approche de tel ou tel signe du Zodiaque ; au bout d’un certain temps, donc, l’été nous arriverait à la place de l’hiver et l’hiver à la place de l’été. »

Dans ce passage, nous reconnaissons un des arguments que Bacon faisait valoir on faveur de la théorie de l’accès et du recès ; mais cet argument a été déformé au point de devenir parfaitement déraisonnable, de sensé qu’il était en l’Opus malus. Bacon, en effet, ne tirait pas ses déductions du mouvement de rotation que Ptolémée attribuait à l’orbe des étoiles fixes, mais de la circulation, toujours de même sens, que les successeurs de Ptolémée avaient attribuée à l’apogée (aux) du Soleil ; par cette circulation, le Soleil, qui passe maintenant à l’apogée pendant l’été de l’hémisphère austral, finira par franchir ce point au cours de l’été de notre hémisphère ; et Bacon pensait que cet hémisphère aurait alors des étés trop chauds et des hivers trop froids pour continuer d’être habitable ; il attribuait, assurément, au déplacement de l’apogée solaire, des effets exagérés ; mais il ne se trompait pas sur le sens de ces effets. Sous la forme que lui donne Jean de Sicile, l’argument prend un caractère astrologique qui pouvait, de son temps, marcher de pair avec la vraisemblance, mais qui nous paraît, aujourd’hui, le marquer d’absurdité.

« Telle est, » dit notre auteur en concluant son exposé de système de Thâbit ben Kourrah, « la supposition à laquelle, aujourd’hui, bon nombre d’hommes expérimentés en cette science semblent donner leur consentement ; toutefois, elle paraît déraisonnable et contraire aux principes de la Philosophie naturelle. »

Voici la contradiction principale qui semble exister entre l’hypothèse de l’accès et du recès et les enseignements de la Physique péripatéticienne :

« Le mouvement du Ciel doit être continuel et perpétuel, comme il est prouvé aux livres I et II Du Ciel et du Monde, et au