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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

encore plus fort ; il tient en suspens la réalité même du mouvement lent attribué à l’orbe des étoiles fixes : « On voit, dit-il[1], qu’Aristote n’a pas cru que la huitième sphère se mut d’un double mouvement ; et peut-être cela n’est-il pas bien prouvé ; on ne peut, en effet, le bien démontrer qu’à l’aide des observations et des remarques consignées en des écrits qui datent d’époques très reculées, de cinq cents ans, par exemple, ou de mille ans ; et il est fort possible que de tels écrits aient été falsifiés. Il y a plus ; certains, se fondant sur de telles observations, ont cru que cette huitième sphère se mouvait, à l’encontre du mouvement diurne, d’un degré en cent ans ; plus tard, il a semblé à d’autres que cette sphère, après avoir parcouru cinq ou six degrés, revenait en arrière ; tout cela n’est donc pas bien prouvé ».

Si l’on accorde, toutefois, que le mouvement de la sphère des étoiles fixes se compose de la rotation diurne et d’un autre mouvement très lent, faudra-t-il, comme le pensent tous les astronomes, placer, au-dessus de cette huitième sphère étoilée, une neuvième sphère sans étoile, dont la seule fonction serait de communiquer le mouvement diurne à l’ensemble des orbes célestes ?

Dans cette hypothèse, Jean Buridan voit, avec raison, une conséquence des idées d’Aristote et des astronomes de son temps ; ces idées, d’ailleurs, il les connaît mal et, lorsqu’il les veut exposer, c’est une esquisse assez vague du système d’Al Bitrogi qu’il nous trace[2] : « Les Anciens supposaient que toutes les sphères se mouvaient d’Orient en Occident ; mais ils admettaient que la sphère de la Lune accomplissait sa révolution plus vite que toutes les autres, et la sphère des étoiles fixes plus lentement que toutes les autres, et les sphères intermédiaires proportionnellement, une sphère plus élevée se mouvant toujours plus lentement qu’une sphère moins élevée ; ce retard, donc, que nous sauvons à l’aide d’un mouvement perpétuellement dirigé en sens contraire du mouvement diurne, ils le sauvaient à l’aide de mouvements, plus rapides ou plus lents, tous dirigés d’Orient en Occident. »

Jean Buridan ne se croit pas tenu de suivre la manière deprocéder des anciens astronomes. « Je crois, dit-il[3], qu’il n’est pas nécessaire de supposer l’existence de cette neuvième sphère. On doit bien plutôt imaginer que le ciel entier, formé par l’ensemble de toutes les sphères célestes, est le mobile propre du

  1. Joannis Buridani Op. laud., lib. XII, quœst. IX ; éd. cit., fol, LXXII, col. d.
  2. Jean Buridan, loc. cit., éd. cit., fol. LXXII. col. d.
  3. Jean Buridan, loc. cit., éd. cit., fol. LXXII, col. a.