Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

liorem imaginationem secundum quam, si esset vera, corpora cælestia moverentur tot motibus et talibus velocitatibus sicut nunc moventur, et non debent curare utrum sit ita in re sicut imaginantur). Si l’on supposait, par exemple, qu’une neuvième sphère entraîne toutes les autres, que chaque sphère entraîne son épicycle, il arriverait exactement la même chose, relativement aux divers aspects des étoiles par rapport à nous ou les unes par rapport aux autres, que ce qui arrive selon le mode d’exposition ici adopté [1] ; il est donc licite aux astronomes d’imaginer une hypothèse autre que celle-ci ; cela n’est point contraire à leur science ni au genre de vérité qu’ils ont l’intention d’établir. Mais entre de telles hypothèses, imaginées par eux ou par d’autres, il appartient au philosophe de rechercher laquelle est vraie et laquelle ne l’est point (Sed de talis imaginationibus eorum et aliorum, philosophus habet inquirere guæ sit vera et quæ non). »

Les principes si clairement rappelés dans ce passage, Buridan les invoquera de nouveau, mais plus brièvement, dans sa très intéressante discussion touchant l’hypothèse des épicycles.

À l’encontre du système des excentriques et des épicycles, il énumère [2] les objections accumulées autrefois par Averroès. « L’avis opposé, ajoute-t-il [3], est admis par Ptolémée et par tous Les astronomes modernes. »

Le système de Ptolémée est exposé à l’aide des orbes solides imaginés par les Hypothèses des planètes. Cet exposé donné, notre auteur continue en ces termes :

« Cela dit, sachez ce qui nous paraît vrai.

» Il me paraît fort probable qu’on ne doit pas admettre les épicycles. En effet, si l’on ne met pas d’épicycle en l’orbe de la Lune, on n’en doit pas mettre davantage dans les orbes des autres planètes, car toutes les raisons qui auraient force d’argument pour les autres planètes vaudraient également pour la Lune ; tous ceux, d’ailleurs, qui ont mis des épicycles dans les sphères des autres planètes en ont aussi mis un dans la sphère de la Lune. Si l’on prouve donc qu’il ne faut point attribuer d’épicycle à la Lune, on en conclura qu’il ne faut supposer aucun épicyle.

» Or je soutiens qu’il ne faut point attribuer d’épicycle à la Lune. Dans la tache de la Lune, en effet, se montre une sorte de

  1. Buridan rejette l’existence de la neuvième sphère ; en outre il admet que l’épicycle d’une planète n’est pas entraîné par le déférent, mais directement mû parle moteur qui meut également le déférent.
  2. Joannis Buridani Op, laud., lib. XII, quæst. X ; éd. cit., fol. LXXIII, col. a.
  3. Jean Buridan, loc. cit. ; éd. cit., fol. LXXIII, colL b et c.