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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

silhouette d’homme dont les pieds sont toujours en bas ; or, si la Lune avait un épicycle, il arriverait que ces pieds nous apparaîtraient parfois en haut ; et l’expérience nous montre la fausseté de cette conséquence. Et même, si nous considérons les circonstances où la Lune nous apparaît en un même lieu du ciel, par exemple lorsqu’elle passe au méridien, cette image se montre toujours située, par rapport à nous, de même façon. Mais prouvons la conséquence tout d’abord énoncée : Si les pieds de la silhouette nous apparaissent en bas lorsque la Lime est à l’apogée de l’épicycle, ils nous apparaîtraient en haut lorsque la Lune vient au périgée de l’épicycle ; le mouvement de l’épicycle, en effet, renverse la Lune de telle sorte que la partie inférieure devienne la partie supérieure. »

L’objection opposée par Buridan à l’existence de l’épicycle lunaire et, partant, de tous les épicycles, avait été examinée déjà par Roger Bacon [1], par Bernard de Verdun [2], par Richard de Middleton [3] ; dans l’exposé de Richard de Middleton, nous avions relevé une inadvertance que nous retrouvons en celui de Buridan ; par le mouvement de l’épicycle, en effet, il n’arriverait pas qu’un même hémisphère de la Lune se trouvât tantôt à la partie septentrionale et tantôt à la partie méridionale, mais bien qu’un même hémisphère fût alternativement vu et caché à nos yeux.

« Pour résoudre cet argument, poursuit Buridan, il n’est, sachez-le bien, qu’une seule échappatoire ; elle consiste à dire que, de même que l’épicycle se meut autour de son propre centre, de même le corps de la Lune se meut autour de son centre particulier, en sens contraire du mouvement de l’épicycle, et avec la même vitesse ; en sorte que la Lune accomplisse sa révolution dans le temps même où l’épicycle accomplit la sienne. Et il est bien certain que la supposition ainsi imaginée, si elle était exacte, résoudrait l’objection ; la partie de la Lune qui était en haut avant [le parcours d’une demi-révolution de l’épicycle] est encore en haut après.

» Mais à la supposition ainsi imaginée, on peut faire une objection ; si le corps de la Lune avait ainsi un mouvement propre, on devrait, avec autant de raison, attribuer des mouvements propres aux autres planètes et aux autres étoiles ; chaque étoile, en effet, est un corps sphérique comme la Lune. »

Or, pour les planètes autres que la Lune et pour les étoiles, ce

  1. Voir : Tome III, p. 437.
  2. Voir : Tome III, pp. 455-456.
  3. Voir : Tome III, pp. 487-488.