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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

mouvement serait sans objet ; les mouvements célestes ont pour fin les changements du monde sublunaire ; ils déterminent ces changements en modifiant les positions des astres par rapport à la Terre ; mais aucune modification ne résulterait de la rotation d’une étoile parfaitement homogène autour de son centre.

De cette discussion, Buridan conclut au rejet de l’hypothèse de l’épicycle.

Mais, à l’encontre de cette conclusion, il voit se dresser cette objection qu’il a lui-même formulée : Ptolémée et tous les astronomes modernes attribuent des épicycles à la Lune et aux cinq planètes. Cette objection, il l’écarte en ces termes :

« À l’autorité des astronomes, le Commentateur répondra que cette manière de supposer ou d’imaginer des excentriques et des épicycles est, en effet, valable, pour le calcul [des mouvements célestes], pour connaître les lieux des planètes, leurs dispositions par rapport à nous et les unes par rapport aux autres ; et les astronomes ne demandent rien de plus ; il leur est donc permis d’user de telles imaginations, bien qu’il n’en soit pas ainsi en la réalité.

» Et lorsque l’on dit qu’on ne peut, [sans ces suppositions], sauver les apparences, j’accorderais volontiers que ces apparences ne peuvent être sauvées si l’on n’admet ni épicycle ni excentrique ; mais elles pourraient toutes être sauvées à l’aide d’excentriques sans épicycle. Et c’est ce qu’on verra dans une autre question. »

C’est ce que nous allons voir, en effet, dans la XIe question que Buridan examine au sujet du XIIe livre de la Métaphysique, et qu’il formule ainsi : « Faut-il, dans le Ciel, supposer des orbes excentriques ? »

Après avoir rappelé par quels faits ou peut montrer qu’une même planète est tantôt plus éloignée et tantôt plus voisine de la Terre, notre auteur continue en ces termes[1] :

« Il me semble que cette apparence pourrait être sauvée par des excentriques sans épicycles, et aussi par des épicycles sans excentriques…

» Mais quelques personnes font des objections à cette conclusion. En effet, une très grande variation se manifeste derechef en la manière dont une planète s’approche de la Terre ou s’en éloigne. Parfois, en effet, la planète s’approche beaucoup de la Terre avant de commencer à s’en éloigner de nouveau ; tandis que,

  1. Joannis Buridani Op. laud., lib. XII, quœst. XI ; éd. cit., fol. LXXIIII, col. a.