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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

parfois, elle commence à s’éloigner de nouveau alors que son mouvement d’approche a été, certainement, moitié moindre que dans le premier cas. Et cela, il ne serait pas possible de le sauver en admettant seulement un excentrique ou seulement un épicycle.

» Cependant, voici ce qu’on pourrait encore répondre à ce raisonnement : Si l’on voulait tenir pour les épicycles sans excentriques, il faudrait, pour sauver cette apparence, placer un épicycle dans un autre épicycle ; alors, toute variation qui est sauvée par un excentrique et un épicycle serait également sauvée par ces deux épicycles.

» De même, si l’on voulait admettre des excentriques sans épicycles, il faudrait poser deux excentriques l’un dans l’autre, de la même manière que nous mettons un orbe excentrique dans un orbe concentrique ; tout serait alors sauvé par ces deux excentriques comme il était sauvé par l’excentrique et l’épicycle.

» Bref, il ne m’apparaît pas que l’un quelconque de ces divers moyens puisse être bien démontré vrai non plus que bien démontré faux (Et breviter loquendo non apparet michi quod aliqua istarum viaruni sit bene demonstrabilis nec etiam bene reprobabilis). »

En ce passage, Buridan renoue la grande tradition d’Apollonius et des géomètres grecs ; il reprend l’étude des diverses compositions de rotations qui sont équivalentes entre elles lorsqu’on cherche à figurer un certain mouvement composé ; nous avons vu comment cette équivalence avait vivement frappé l’esprit d’Hipparque, comment elle avait, la première peut-être, provoqué l’esprit humain à peser la valeur des hypothèses astronomiques ; les pensées qui s’étaient offertes à la raison des Mathématiciens alexandrins sollicitent, à leur tour, les Nominalistes parisiens.


VII
UN ESSAI ANONYME DE THÉORIE DES PLANÈTES SANS EXCENTRIQUES
NI ÉPICYCLES

Les principes qui dirigent Buridan dans sa discussion des systèmes astronomiques semblent être pleinement adoptés par un auteur dont le nom nous demeurera inconnu, mais dont nous allons étudier le curieux opuscule.

Cet ouvrage occupe quatorze folios d’un texte à deux colonnes, écrit sur parchemin, texte qui nous a été communiqué par