Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES


caractère personnel des habitants résultât de l’altération introduite dans la complexion de l’air.

» Saint Augustin rapporte encore, au XXIe livre De civitate Dei, qu’en un certain temple, se trouvait un candélabre, fabrique par l’art des hommes, et sur ce candélabre se trouvait une lumière placée aux pieds du dieu ; cette lumière était si ardente que ni pluie ni tempête ne la pouvait éteindre ; cette artificieuse invention n’était guère utile, il est vrai ; mais elle paraissait admirable à ce point que les peuples se ruaient en foule vers ce temple, désireux de voir ce prodige.

» La lecture nous apprend que ces inventions-là et beaucoup d’autres ont été faites dans l’Antiquité ; ce n’est point par magie qu’elles ont été accomplies, comme l’imaginent et le prétendent mensongèrement certains qui ne connaissent ni les secrets de la nature ni les artifices de l’industrie ; elles étaient uniquement produites par la puissance de la nature que secondait le secours de l’art. L’art, en effet, comme le dit le Philosophe, accomplit certaines œuvres dont la nature n’est pas capable, tandis qu’en d’autres œuvres, il imite la nature autant qu’il est en son pouvoir. »

Dans ce passage, nous n’avons rien relevé qui fût textuellement emprunté à Roger Bacon ; mais ce sont pensées toutes semblables à celles de Bacon qui inspirent cet éloge de la Science et de son utilité ; les exemples naïvement légendaires que Guillaume de Saint-Cloud invoque en faveur de sa thèse sont ceux-là mêmes que l’illustre Franciscain aimait à citer pour soutenir des opinions analogues. On les rencontre tous, et presque sous la même forme, dans l’Epistola fratris Rogeri Baconis : De secretis operibus artis et naturæ et nullitate mageæ. On jurerait que l’Astronome de Saint-Cloud avait cette lettre sous les yeux lorsqu’il rédigeait le préambule du Calendrier de la Reine. Ne semble-t-il pas que le titre même de cette lettre se lise, comme au travers d’une transparente allusion, dans cette phrase : « Hæc igitur et plura alia antiquis facta leguntur temporibus, non quidem arte magica, prout aliqui mentiuntur et funguntur, qui secretorum naturalium et artificialis industriæ ignari sunt, sed fiebant solummodo vi naturæ, artis auxilio suffragante ? » Et cette phrase elle-même, ne dit-elle pas exactement ce que dit celle-ci, qui est de Bacon[1] ; « Et sic multa secreta naturæ et artis æstimantur ab indoctis magica ? »

  1. Epistola fratris Rogerii Baconis de secretis operibus artis et naturœ et de nullipare magiœ cap. II (Fr. Rogerii Baconis Opera quœdam hactenus inedita ; éd. Brewer, London, 1859 ; p. 525).