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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

tendances et les occupations des astronomes italiens ; comparons-les aux tendances qui sollicitaient les astronomes de Paris et aux occupations qui retenaient leur attention. Aussitôt, quel contraste se manifeste à nous !

Et d’abord, comment ne pas être surpris du retard de la science italienne sur la science qui s’enseignait, au même moment, à Paris et à Oxford ? Dès 1175, l’Italien Gérard de Crémone mettait en latin l’Almageste de Ptolémée qu’il était allé rechercher et traduire chez les Maures d’Espagne. Or, le xiiie siècle s’écoulera tout entier avant que nous rencontrions, parmi les compatriotes de Gérard, un seul astronome qui eût tiré parti de l’œuvre de celui-ci, qui eût étudié la Grande Syntaxe. Pour entendre citer Almageste, nous devrons attendre que le xive siècle ait commencé et que Pierre d’Abano répande autour de lui la science astronomique dont il s’est instruit à Paris. Jusqu’à ce moment, nous verrons les astronomes et les astrologues de l’Italie emprunter toute leur science des mouvements célestes au petit traité qu’Al Fergani avait rédigé, et que Jean de Lima avait traduit vers l’an 1130 ; ce qui ne sera pas tiré de ce livre élémentaire, le sera de la Theoria motus octavæ spheræ attribuée à Thâbit ben Kourrah ; mais plus difficile à comprendre que le De scientia stellarum d’Al Fergani, cet ouvrage sera l’objet d’étranges interprétations et l’occasion de surprenantes méprises.

La science italienne, en effet, ne se signale pas seulement par le retard qui la laisse en arrière de la science parisienne ; elle nous étonne encore par l’énormité des erreurs que professent bon nombre de ses adeptes ; certains de ses maîtres les plus renommés, les Guido Bonatti, les Barthélemy de Parme, les Andalô Di Negro, les Paul de Venise vont étaler devant nous la plus profonde ignorance des questions qu’ils traitent ; parfois aussi, d’ailleurs, nous trouverons en eux des plagiaires impudents et maladroits. qui copient les œuvres d’autrui et se les attribuent sans y rien mettre du leur, si ce n’est des sottises.

La ferme discipline de l’enseignement universitaire, l’étude approfondie de la Logique qui, au cours du Trivium, ouvrait seule l’accès de cet enseignement, avaient mis, entre les diverses méthodes dont usaient les maîtres de Paris et d’Oxford, un ordre d’une extrême rigueur et des distinctions d’une singulière précision. Il arrivait, sans doute, qu’un physicien tut, en même temps, théologien, qu’un astronome s’adonnât à l’Astrologie judiciaire. Mais si un même homme pouvait cumuler 1 étude de sciences diverses, il ne confondait pas, pour cela, les méthodes à l’aide desquelles