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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

sont en l’autre essence ; tels sont les corps célestes. Et par l’intermédiaire de ces créatures, nous pouvons parvenir à la connaissance du Créateur ; nous pouvons savoir de lui tout ce que l’intelligence humaine en peut atteindre ; nous pouvons reconnaître qu’il est impassible et inaltérable. »

Le Dieu de Guido Bonatti, ce Dieu dont l’Astrologie nous apprend tout ce que nous en pouvons savoir, ce n’est assurément pas le Dieu des Chrétiens, mais bien le premier moteur immobile d’Aristote.

En effet, la philosophie professée par notre astrologue est le corollaire rigoureux, complet, impitoyable de l’axiome que le Stagirite avait posé : Tous les changements du monde sublunaire sont régis par les mouvements célestes

« L’astrologue, écrit Guido Bonatti[1], connaît tous les mouvements de chacun des corps célestes. S’il connaît, en outre, les qualités de ces mouvements, il sait quelles impressions ils impriment et quels événements ils signifient. Or tout ce qui se fait en la terre, suivant l’ordre naturel des choses, et tout ce qui se fait au sein des autres éléments, tout cela se fait par les mouvements des orbes des corps célestes ; personne n’en doute, sauf peut-être l’insensé ou l’idiot ; et toutes ces choses sont connues par l’astrologue. Donc, tout ce qui se produit actuellement, tout ce qui s’est fait dans le passé, tout ce qui arrivera dans l’avenir, toutes ces choses peuvent être connues par l’astrologue, puisqu’il connaît les qualités des mouvements qui ont été, de ceux qui sont, de ceux qui seront, puisqu’il sait en quel temps ils se produiront et quels effets doivent être déterminés par eux ou provenir d’eux. »

À ce déterminisme qui rattache tout changement, au sein du monde élémentaire, aux révolutions immuables des corps célestes, notre astrologue n’admet aucune atténuation ; il ferme toute échappatoire.

Ainsi Ptolémée avait prétendu, dans son Centiloquium[2], que les mouvements des planètes réglaient seulement les choses universelles et qu’on ne leur pouvait demander la connaissance des événements particuliers. Guido s’élève contre cette opinion. Les planètes, selon lui[3], signifient non seulement l’universel, mais encore le particulier ; elles ne régissent pas seulement l’espèce,

  1. Guidonis Bonati Op. laud., Tract. I, pars I, cap. III : éd. cit., col. 3.
  2. Claudii Ptolemæi Centiloquium, I. (Claudii Ptolemæi Pelusiensis Alexandrini omnia quæ extant opera… In fine : Basileæ, In officina Henrichi Petri, Mense Martio, Anno MDLI, p. 438).
  3. Guidonis Bonati Op. laud. Tract. I, pars I, cap. VI ; éd. cil., col. 6.