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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

pleuve pas. Le possible est donc, et les jugements tirés des étoiles sont réels ; en effet, par les mouvements et par les dispositions des corps célestes et par le changement que l’air a éprouvé, tu peux savoir de quel nuage il doit pleuvoir et de quel nuage il ne doit pas pleuvoir.

» De même, un homme a un aliment dans la bouche ; il est possible qu’il le mâche et l’avale ; il est possible aussi qu’il ne le mâche pas et ne l’avale pas ; ce possible est en un même rapport aux deux partis opposés, savoir au nécessaire et à l’impossible. S’il est possible que l’homme mange cet aliment, et s’il le mange, ce possible, par le fait même qu’il a été mis en acte, est devenu nécessaire ; la possibilité lui a été enlevée, elle a été effectuée, elle est maintenant définie comme nécessaire. De même, ce qui était possible devient impossible par le fait même qu’il n’est pas mis en acte ; il perd la possibilité, et il est maintenant défini connue nécessaire.

» Ainsi aux étoiles et aux éléments il n’appartient pas seulement de signifier tes choses nécessaires et les choses impossibles, mais encore les choses possibles. Car il faut que l’astrologue sache ia vérité et prédise les événements futurs. »

De ces considérations, nous reconnaissons la source. Elles proviennent de ce qu’Aristote avait dit au traité De l’interprétation[1], de ce qu’Abou Masar[2] avait emprunté à ce traité. Mais Guido Bonatti les a entièrement détournées de leur signification primitive. Aristote, et Abou Masar après lui, les avaient présentées afin de définir la contingence. Guido Bonatti les a déformées jusqu’à ce qu’une chose possible n’apparût plus comme une chose contingente, mais seulement comme une chose qui existe en puissance ; il a repris, du possible, la définition que donnaient les disciples de Chrysippe et dont s’indignait Alexandre d’Aphrodisias[3].

Point de place, dans ce déterminisme astronomique, pour l’intervention du libre arbitre humain ; point de place, non plus, pour l’action miraculeuse de Dieu.

Comment Guido Bonatti expliquait les miracles ef les prophéties rapportées par la Sainte Écriture, en voici un exemple [4] :

« Le Seigneur dit aux Apôtres : « Retournons en Judée ». Ils lui répondirent : « Tout récemment, les Juifs cherchaient à vous lapider et vous retournez en ce pays ? » Il leur répliqua : « N’y

  1. Voir : Première partie, Ch. XIII, § V ; t. II, p. 296.
  2. Voir : Première partie, Ch. XIII, § XIV ; t. II, pp. 374-375.
  3. Voir : Première partie, Ch. XIII, § V ; t. II, pp. 301-302.
  4. Guidonis Bonati Op. laud., Tract. I, Pars I, Cap. XIII ; éd cit, col. 18.