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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

a-t-il pas douze heures dans le jour ? » C’est comme s’il avait dit : Une heure est bonne, bien qu’une autre soit mauvaise ; à la mauvaise heure, ces gens avaient eu contre lui une volonté méchante ; mais cette heure-là avait passé et l’heure bonne était venue ; comme il savait cela, il savait aussi que la volonté méchante avait disparu de leurs cœurs, et il voulut choisir cette heure en laquelle ils ne lui feraient pas de mal. On voit par là que le Christ lui-même a fait usage de l’élection, et qu’il n’a pas blasphémé l’Astronomie comme le font aujourd’hui certains envieux et certains détracteurs. »

Les dispositions bonnes ou mauvaises des Juifs envers le Sauveur ? Simples effets des mouvements des astres. Les prophéties de Jésus-Christ ? Pronostics d’astrologue. De telles affirmations devaient, à bon droit, passer pour blasphématoires ; les théologiens chrétiens ne les pouvaient laisser passer sans protestation. Guido Bonatti eut, certainement, des disputes fort vives avec plusieurs d’entre eux et, particulièrement, avec des religieux dominicains et franciscains.

L’un de ses principaux adversaires fut le célèbre Frère prêcheur Jean de Schio, surnommé Jean de Vicence. Guido Bonatti entra sans doute en lutte avec lui dès sa jeunesse, lors des triomphales prédications que Jean de Vicence fit à Bologne, en 1233 [1].

« Tous ceux qui avaient foi en l’Église de Rome, dit notre astrologue [2], le regardaient comme un saint ; mais à moi, il me paraissait être un hypocrite… Nul autre que moi n’osait, à Bologne, contrevenir à ses ordres ; car j’avais reconnu ses intrigues et ses fourberies ; mais, par suite de la crainte qu’il inspirait, le vulgaire disait que j’étais un hérétique. »

De ces altercations Guido Bonatti avait conservé, à l’égard du saint religieux, une haine qui éclate en maint passage de son Astronomie. Au moment même où il oppose les prétendues divinations astrologiques du Sauveur aux attaques dont la science judiciaire est l’objet, il ajoute [3] : « Il s’est rencontré cependant des fous et des fats, comme cet hypocrite Jean de Vicence, de l’ordre des Frères prêcheurs, pour soutenir que l’Astrologie n’était ni un art ni une science ; que c’était une sorte d’appât imaginé par quelques dupeurs. À mon avis, il leur faut répondre qu’ils

  1. B. Boncompagni Op. laud., Tract. I, pars I, cap, VII ; éd. cit., col. 7.
  2. Guidonis Bonati Op. laud., Pars I, tract. V ; consideratio 141 ; éd. cit., col. 211.
  3. Guidonis Bonati Op. laud., Tract. I, pars I, cap, XIII ; éd. cit., col. 18.