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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

sont des fats, qu’ils se trompent, et qu’ils périront au milieu de leurs fatuités et de leurs erreurs… »

Injures n’ont jamais été arguments ; et, semble-t-il, Guido Bonatti n’opposait guère que des injures aux religieux qui attaquaient l’Astrologie. « Quelques porte-robes (tunicati), dont fut ce fat[1], vont peut-être s’insurger et dire que ces effets ne proviennent pas des impressions des planètes. Mais il n’y a pas à discuter avec eux… »

Il discutait, cependant, et nous trouvons, dans son livre, les raisonnements par lesquels il prétendait réfuter les théologiens. Certains de ceux-ci objectaient aux astrologues que leurs jugements étaient sans valeur, car ils ne pouvaient connaître chacune des innombrables influences célestes ; bien plus ; les influences de l’invisible Empyrée sont et demeureront à jamais inobservables.

« On peut leur répondre, dit Bonatti[2], qu’eux non plus ne connaissent pas toute la Théologie ; ils prêchent cependant toute la journée. Si donc ils prêchent alors qu’ils savent fort peu de Théologie, à plus forte raison l’astrologue peut-il juger, lui qui sait beaucoup d’Astronomie. On ne peut, en effet, connaître si peu d’Astronomie que ce ne soit beaucoup à l’égard de ce qu’on peut savoir de Théologie. Plus grande, en effet, est la Cause première par rapport au ciel que n’est le ciel par rapport à un grain de sénevé ; or, du ciel, l’astronome possède une science qui est plus qu’un grain de sénevé ; tandis que ce qu’ils savent de Dieu n’est pas, à l’égard de Dieu, aussi gros qu’un grain de sénevé à l’égard du ciel. Il reste donc que les astrologues savent plus d’Astronomie qu’ils ne savent, eux, de Théologie ; si ceux-ci peuvent prêcher, à bien plus forte raison ceux-là peuvent-ils juger. »

Cette pauvre dialectique ne devait pas toujours assurer à notre devin la victoire sur les Frères mendiants ; dans les disputes qu’il entamait avec eux, il avait parfois le dessous, si nous en croyons toutefois la chronique de l’Ordre franciscain composée, entre 1283 et 1287, par frère Salimbene di Adamo.

Salimbene nous parle[3] d’un certain frère Ugo de Regio, surnommé Ugo Courte-Paille (Ugo pauca palea), orateur célèbre, « habile à réfuter ceux qui donnaient des coups de dents à son ordre, et qui les confondait par ses prédications comme par ses exemples. Un certain Maître Guido Bonatti de Forli, soi-disant philosophe et astrologue, censurait les prédications des Frères

  1. Guidonis Bonati Op. laud., Tract. I, pars I, cap. IX ; éd. cit., coll. 10-11.
  2. Guidonis Bonati Op. laud., Tract. I, pars I, cap. IV ; éd. cit., col. 5.
  3. B. Boncompagni, Op. laud., pp. 41-42.