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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

mineurs et des Frères prêcheurs ; devant toute l’Université et tout le peuple de Forli, Ugo le confondit si bien que, tout le temps que ce frère demeura dans le pays, Bonatti n’osa plus parler ni même se montrer ».

Selon une ancienne chronique de Forli, publiée par Muratori [1], Guido Bonatti mourut au retour d’un voyage qu’il avait fait à Paris et en diverses universités italiennes pour accroître sa science astrologique et sa bibliothèque.

Le comte de Montefeltre, nous dit Villani [2], fit, en grande pompe, enterrer son cher astrologue on l’église Saint-Mercurial de Forli ; puis, désespérant de maintenir, après la mort d’un tel auxiliaire, la tyrannie qu’il exerçait, il prit l’habit franciscain.

Cet événement, qui dut suivre de peu la mort de Guido Bonatti, est de 1296 ou de 1297 [3]. En 1298, Guido de Montefeltre mourait sous la bure.

Certains historiens ont entendu de l’Astrologue ce qui était vrai du Comte son maître ; ils ont cru que Guido Bonatti avait terminé sa vie dans la pénitence, sous la robe de Frère mineur. Rien ne nous laisse croire que la fin de ce charlatan fanatique ait été si dévote. Dante, mieux renseigné sans doute que ces historiens, l’a plus durement jugé.

En descendant, de cercle en cercle, jusqu’au fond de l’Enfer, le Poëte rencontre des gens [4] qui « viennent en silence et versant des larmes, du même pas que les processions en ce monde.

» Lorsque plus bas sur eux ma vue descendit, chacun me parut étrangement transposé, du menton au commencement du buste.

» Ayant le visage tourné vers les reins, il leur fallait aller en arrière, parce qu’ils ne pouvaient voir par devant. »

Chacun de ces infortunés est un devin ou un faux prophète : « Son dos est devenu sa poitrine [5] ; parce que trop en avant il voulut voir, il regarde en arrière et marche à reculons. »

Un à un, Virgile les nomme à son compagnon : « Cet autre [6] si fluet fut Michel Scot, qui vraiment sut les fraudes magiques. Vois Guido Bonatti…

  1. B. Boncompagni, Op. laud., p. 40.
  2. B. Boncompagni, Op. laud., p. 8 et pp. 51-52.
  3. B. Boncompagni, Op. laud., pp. 53-57.
  4. Dante, L’Enfer, chant XXe, 8-18. Trad. de Lamennais (Œuvres posthumes de F. Lamennais. La Divine Comédie. I. L’Enfer, Paris, 1863 ; p. 360.
  5. Dante, Ibid., 37-39 ; p. 361.
  6. Dante, Ibid., 115-18 ; p. 364.