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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

» Et si nous voulons connaître et mesurer le mouvement de la huitième sphère vers l’Orient, mouvement par lequel, au dire des savants, elle se meut d’un degré en cent ans, il nous faut, au-dessus de la huitième sphère, imaginer une sphère qui lui soit semblable, mais qui demeure fixe et ne se meuve pas ; en cette sphère imaginaire (spera immaginata) qui ne se meut point, nous trouverons le cercle de l’équateur, avec les têtes fixes du Bélier et de la Balance, semblablement-les têtes fixes du Cancer et du Capricorne, et il en sera de même de toutes les parties de la sphère. Si nous voulons connaître le mouvement de la tête du Bélier [mobile], laquelle ne quitte pas le cercle de l’équateur (cercle qui se meut avec toute la sphère) nous le rapporterons à la tête du Bélier prise en la sphère fixe précédemment imaginée, tête qui ne quitte pas le cercle de l’équateur immobile ; autrement, nous ne pourrions le connaître. »

À l’imitation de Simplicius, Ristoro, du moins en ce passage, n’attribue à la neuvième sphère dénuée d’étoile aucune existence réelle ; il n’y voit qu’un repère imaginé par les astronomes afin de pouvoir suivre le mouvement de précession des équinoxes.

C’est, en effet, ce mouvement continuel de précession que Ristoro considère ici ; il semble avoir abandonné l’hypothèse de l’accès et du recès.

Il y revient plus tard, pour nous donner le plus curieux et, disons-le, le plus fâcheux exemple de sa manière de philosopher sur l’Astronomie.

« Puisque [1] la tête du Bélier et celle de la Balance, puisque chacune des étoiles et chacun des points de la huitième sphère doit se mouvoir sur le petit cercle qui lui est propre, voyons de combien de degrés doit être le diamètre de ces petits cercles.

» Le ciel de la huitième sphère est parfait ; s’il est parfait, le diamètre de ces petits cercles doit être mesuré par un nombre parfait ; or, il y a deux nombres parfaits, qui sont six et dix. Par noblesse et pour que l’œuvre accomplie soit plus grande, chacun de ces petits cercles doit être le plus grand qu’il se peut faire ; le diamètre de chacun de ces petits cercles sera donc de dix degrés, ce qui est le plus grand nombre parfait…

» Toute chose, afin de produire plus fice et, aussi, afin d être connue, doit avoir son opposé ; sinon, elle ne serait pas connue, l’artifice et l’opération seraient moi mires, en sorte que l’Artisan du Monde pourrait être blâmé…

  1. Ristoro d’Arezzo, Op. laud., lib. VIII, cap. XXI ; éd. cit., pp. 304-305.