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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

En 1284, il observe que la conjonction de Saturne avec Jupiter a lieu au plus tôt le 31 décembre ; c’était un retard de plus de quinze jours sur la date annoncée par les Tables de Tolosa, et les Tables de Tolède fournissaient une prédiction plus inexacte encore. En marge d’un vieux livre, il avait trouvé cette autre observation : En l’année du Seigneur 1226, le 4 mars, jour des Cendres, on vit Saturne en conjonction avec Jupiter. Or, en faisant le calcul avec les Tables de Tolosa, on trouve que le 4 mars au matin, Jupiter devait avoir dépassé Saturne de plus d’un degré et demi. L’observation faite par Guillaume sur la position que Mars occupait le 3 mars 1290 n’est pas en moindre désaccord avec les tables.

Parmi ces observations destinées à soumettre les tables astronomiques à un contrôle précis et à permettre la correction des erreurs qui les entachent, il en est une qui mérite une attention toute particulière ; c’est celle par laquelle, en 1290, Guillaume a déterminé l’obliquité de l’écliptique et l’époque de l’équinoxe de printemps. L’exactitude des résultats obtenus par cette opération compliquée donnera une haute idée de la perfection que les méthodes de l’Astronomie d’observation avaient atteinte, à Paris, vers la fin du xiiie siècle.

Empruntons à Guillaume de Saint-Cloud le récit textuel de ses déterminations[1] :

« Le premier point qu’il me faille expliquer est celui-ci ! Pourquoi, en ce temps présent, c’est-à-dire en l’an 1292 du Seigneur, ai-je admis un si grand mouvement de la huitième sphère ? Par ce mouvement, j’entends la distance entre la tête du Bélier du Zodiaque mobile que les astronomes imaginent dans la huitième sphère, et l’intersection de ce Zodiaque mobile avec l’équateur ; au moment où le Soleil parvient à cette intersection, l’équinoxe se produit en tous les climats.

» J’admets que cette distance est actuellement de 10° 13′[2] tandis que, selon les tables données par Thébit pour le mouvement d’accès et de recès de la huitième sphère, cette distance ne se trouverait être, pour ce temps-ci, que de 9° 23′, ce qui s’écarte de près de de la détermination véritable.

» Que cette distance ait la grande valeur que j’ai dite, je l’ai trouvé de la manière suivante :

» Le Soleil se trouvant à la fin des Gémeaux, j’ai pris sa hauteur méridienne dans la région de Paris ; j’ai trouvé que cette

  1. Ms. cit., fol. 141, ro.
  2. Le ms. porte 15′ ; un astronome, ancien possesseur du ms., a rétabli en marge le chiffre véritable.