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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


lorsqu’ils vinrent à l’ombre. Cet état de l’œil dura chez les uns deux jours, chez les autres trois, chez d’autres davantage. Pour éviter cet accident et pour observer sans danger l’heure du commencement, l’heure de la fin et la quantité de l’éclipse, voici ce que Guillaume conseille : Que dans une maison close, on fasse un pertuis au toit nu à la fenêtre, vers la partie du Ciel où l’éclipse doit paraître ; que ce pertuis ait la même largeur que le pertuis par où l’on tire le vin d’un tonneau. La lumière du Soleil entrant par là, on placera, à la distance de vingt ou trente pieds du pertuis, quelque chose de plan, par exemple un ais, de manière que la lumière tombe perpendiculairement sur cette surface, La lumière y paraîtra ronde, quand même le pertuis serait anguleux, Elle sera plus grande que le pertuis, et d’autant plus grande que la surface plane aura été reculée davantage, mais elle sera plus faible que si on place plus près cette surface. C’est à l’aide de cette disposition qu’il conseille d’observer les éclipses. Une construction géométrique très simple lui fournit, pendant l’observation, les données qu’il cherche. » Dans la note qui termine le précédent volume, nous avons retracé l’histoire de ce procédé, qui paraît remonter à Bacon.

Guillaume inventait également des instruments de mesure ; une phrase du Calendrier de la Reine[1] nous apprend qu’il avait composé un appareil nommé directorium, et qu’il en avait ailleurs expliqué les usages.

Dans l’art de l’aire des observations précises qui manifestent les erreurs des tables astronomiques, Guillaume de Saint-Cloud était passé maître ; ses déterminations allaient être invoquées pendant plusieurs siècles comme propres à contrôler les théories astronomiques ; lorsqu’en 1436, le cardinal Nicolas de Cues présentera au concile de Bâle un travail sur la réforme du calendrier, il usera[2] d’une détermination du solstice d’été faite en 1290 ; cette détermination sera celle que Guillaume de Saint-Cloud avait effectuée.

Dans l’art de corriger les tables reconnues fautives, notre habile observateur est moins expert. Guidé par les déterminations qu’il avait effectuées, il ajoute ou retranche une certaine quantité au moyen mouvement de chaque planète donné par les Tables de Tolosa ; du moyen mouvement de Saturne, il retranche 1° 15′ ; au moyen mouvement de Jupiter, il ajoute un degré ; de celui de Mars, il retranche trois degrés. Ce que valent ces correc-

  1. Ms. cit., fol. 146, vo.
  2. Nicolai de Cusa Reparatio Calendarii (Nicolai Cusani Opera, Basileae, ap. Henricpetri, 1575, t. III, p. 1156).