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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

En effet, la cinquième différence du Lucidator est consacrée à l’examen de cette question : La planète se meut-elle d’elle-même en sou excentrique ou dans son épicycle ?

La divergence que nous avons déjà signalée entre la doctrine du Médecin padouan et Les opinions qui ont cours, an même temps, parmi les physiciens de Paris se marque, avec une netteté croissante, au long de cette discussion. Les Parisiens se rangent tous, en cette question, au parti d’Aristote : Tout astre est serti dans un orbe rigide ; il n’a d’autre mouvement que celui par lequel cet orbe l’entraîne. Tout au plus, pour expliquer comment la Lune nous présente toujours la même face, admet-on que cet astre tourne sur lui-même au sein de la cavité, creusée dans l’épicycle, où il se trouve logé. Pierre d’Abano rompt résolument avec cette doctrine péripatéticienne pour reprendre l’opinion de VAbnagestc ; il admet que chaque planète se meut d’ellc-niemc au sein d’une substance fluide qui constitue le ciel de cette planète. . Il n’ignore pas l’a rgu monta (ion péripatéticienne, tirée de ce principe, qu’il ne conteste pas : üt substance céleste est incorruptible. Cette argumentation, il la résume ainsi1 2 : « Si l’on admettait que l’astre se mût de mouvement propre, li faudrait que la sphère de cet astre, qui est continue, fût déchirée et fendue ; la substance de cette sphère éprouverait donc des raréfactions et des condensations, et elle aboutirait à la corruption ; or le contraire a été démontré. »

Afin de réfuter cette argumentation, Pierre d’Abano recourt aux principes mêmes du Stagiiite, ci â ce que ces principes nous enseignent touchant la substance céleste. A ce propos, il nous renvoie à ce qu’a dit, de cette substance, l’appendice de la XXIXe différence du Conciliator^ et il résume ce qu’il enseignait eu cet endroit. S il est une matière en la substance céleste, ce n’est aucunement, comme au soin des corps qui nous entourent, une matière qui soit en puissance d’altération et de corruption ; c’est seulement, comme Aristote l’enseigne au VIIIe livre de la Métaphysique^ une matière qui est en puissance d’un nouvel ubL une matière susceptible de mouvement local. Le mot matière est seulement pris d une manière équivoque lorsqu’on l’applique tantôt aux êtres sublunaires et tantôt aux êtres célestes ; c’est par équivoque qu’on donne à ces derniers le nom de corps. Gardons-nous donc bien d’étendre sans précau- 1. Pétri de Apono Lucidator Astronomics ; Differenlia V : Ah planeta movehir per se in eceulrico vel epicyclo. Ms. cit+, fol. 116, col, c. 2. Ms. cil., foL 1171 coL c.