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PÉRIPATÉTISME, RELIGIONS ET SCIENCE

L ampleur, doue, du système d‘Aristote, la rigueur avec laquelle il coordonnait mie multitude <le détails pour en faire un ensemble d’une extrême unité, éveillaient une profonde admiration dans l’esprit humain, assoiffé d’une synthèse universelle ; mais cette admiration légitime engendrait aisément l’illégitime persuasion que cette synthèse se trouvait, iirtuellrnieiit réalisée, dans la doctrine péripatéticienne ; et cette persuasion exerçait une bien puissante séduction au sein des écoles du Moyeu Age islamique ou chrétien, dont les docteurs les plus réputés éprouvaient, à l’égard de celui qu’ils nommaient le Philosophe, l’humble et craintive vénération que des enfants ignorants éprouvent pour le maître. Et cependant, pour que res écoliers que furent les hommes du Moyen Age vissent la Science se développer parmi eux, pour qu’à leur tour, ils pussent travaille !’ à son accroissement, il fallait qu’ils secouassent cc respect fait pour les enchaîner et 1rs paralyser, il fallait qu’ils ôsassenf cou (redire le Maître* Beux puissances les déterminèrent à briser le joug du Péripatétisme ; res deux puissances furent la Science expérimentale et la Théologie* La première leur lit reconnaître que, pour suivre le sens d’Aristote, il leur fallait abdiquer leur propre bon sens ; la seconde leur affirma (pie leur confiance en la parole du Philosophe contredisait à leur foi dans la parole de Bien.

La Science expérimentale fut représentée, dans cette lutte, par la seule de ses parties qui eut alors acquis quelque développement et quelque perfection, par 1Astronomie,

I/Astronomie pythagoricienne et platonicienne reposait tout entière sur cet axiome que tous les mouvements astronomiques se résolvent eu rotations de sphères homocentriques à. la Terre ; cet axiome, Aristote Pavai I encastré dans sou système ; il 1 avait si solidement cimenté aux autres parties de ce système qu’il fût impossible de feu arracher. Substançes incapables de génération, d’altération et de corruption, 1rs corps célestes ne sauraient être (pie des solides rigides mùs de rotations uniformes ; au centre de ers rotations, la théorie du lieu exigeait qu’il y eût un corps immobile qui devait être grave et, partant, qui devait être la Terre* Pour quiconque admettait les principes de la Physique péripatéticieime, ces deux propositions ne pouvaient être niées sans absurdité. Elles étaient, d’ailleurs, comme 1rs pili(irs sur lesquels reposait la Théologie d’Aristote. Les intelligences éternellement immobiles qui faisaient tourner les sphères homocentriques étaient des dieux, les seuls dieux (jue connût le Stagirite. Or, tandis que le Péripatétisme déieluppait cette théorie, le