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LES SOURCES DU NÉO-PLATONISME ARABE

dérobe à jamais le nom du véritable auteur. Aucun penseur, peut-être, n’a été plus près d’accomplir ce que tant de philosophes avaient tenté, et de réconcilier le Lycée avec l’Académie.

« Mais cette œuvre[1], qui constitue ce qu’on peut appeler proprement le Néo-platonisme, peut-être la philosophie grecque, parvenue, avec le Stoïcisme, au terme de son développement naturel, et dès lors épuisée, n’y aurait-elle pas suffi. C’est un rayon émané d’une source étrangère qui devait venir féconder, en quelque sorte, son sein devenu stérile, et communiquer au dernier germe qu’elle renfermait encore un principe de vie. Cette source est la même d’où sortait alors la Religion chrétienne : c’était la Théologie judaïque. »

Déjà, le Juif Aristobule, qui vivait sous le règne de Ptolémée Philométor, environ 150 ans avant Jésus-Christ, place dans le Monde une émanation de Dieu analogue à l’Âme universelle de Platon ; il la nomme la Puissance de Dieu ; elle parcourt toutes choses. « Ce dogme était, selon lui, de Moïse[2]. Il prétendait que les Grecs l’avait dérobé à la Bible. »

Les idées d’Aristobule n’étaient encore qu’une première ébauche de celles qui allaient dominer le système néo-platonicien. « Mais, dans les écrits de Philon[3], antérieur à Jésus-Christ de quelques années seulement, les dogmes fondamentaux de la Théologie judaïque se combinant, soit avec ceux de la Philosophie stoïcienne, soit avec ceux de l’Aristotélisme et du Platonisme, forment un système complet où achève de se déployer, sur de plus grandes proportions et avec des formes probablement nouvelles en partie, la théorie des puissances et des émanations divines.

» Ici les deux éléments que le livre de la Sagesse laissait encore confondus ensemble dans l’idée de la Sagesse divine, apparaissent détachés et séparée l’un de l’autre. D’un côté, la Sagesse (Σοφία), que Philon appelle de préférence la Raison ou le Verbe (Λόγος) ; de l’autre côté, le Saint-Esprit (Πνεῦμα ἄγιον) ; deux degrés par lesquels Dieu descend de sa hauteur inaccessible vers le Monde ; deux principes secondaires, le premier immédiatement issu de Dieu, le second issu du premier, mais l’un et [autre de même nature, de même substance que Dieu, et formant avec lui une glorieuse Trinité. Le Verbe est ce que l’antique théologie hébraïque[4]

  1. F. Ravaisson, Op. laud., p. 349.
  2. F. Ravaisson, Op. laud., p. 357.
  3. F. Ravaisson, Op. laud., pp. 358-359.
  4. De ce que la Bible et le Targum d’Onkelos, commentaire de la Bible anté-