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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

appelait déjà l’habitation de Dieu ; il est son vêtement, il est son image ou son ombre ; il est la forme de Dieu et le caractère de son essence ; il est le Fils, le premier né de Dieu ou du Père, et il est Dieu lui-même ; expressions tirées, pour la plupart, de sources plus anciennes, et qui toutes se retrouveront dans la théologie chrétienne et le nouveau Platonisme. »

Au moment où les philosophes d’Alexandrie commencent à méditer la pensée de Pliilon, pensée qui réunit et développe tout ce que la tradition hébraïque rapportait de la Trinité, voici que des apôtres, partis de Judée, se répandent dans le monde en baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ce que les apôtres annoncent, c’est ceci : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; toutes choses ont été faites par lui ; le Verbe est venu dans le Monde, il s’est fait chair ; ils ont. vu sa gloire, gloire digne du Fils unique du Père ; ils lui rendent témoignage, afin que tous croient en son nom et deviennent enfants de Dieu.

Or, l’idée de la Trinité divine est celle qui, jetant tout à coup sur les obscurités des philosophes antiques une éblouissante lumière, va montrer à ceux qui les veulent concilier l’unité profonde de leurs théories disparates à la surface ; c’est elle qui va, peu à peu, les combiner entre elles et produire cette doctrine synthétique que professera Plotin.

« Maintenant, pourra-t-on dire en écoutant l’enseignement de Plotin [1], le nouveau Platonisme est enfin assis sur sa triple base, la théorie des trois principes divins ou des trois hypostases archiques ; l’Un, l’intelligence et l’Âme ; principes enchaînés l’un à l’autre par la nouvelle théorie de la communication de la nature incorporelle.

» Des trois principes, le moins élevé, l’Âme du Monde, c’est la cause première ou Dieu, tel que les Stoïciens l’avaient compris ; le second, l’intelligence, c’est le Dieu d’Aristote ; enfin le principe suprême des Néo-platoniciens, l’Un, est le Dieu de Platon. Ce sont les trois grands principes des trois grandes doctrines qui ont rempli la période de maturité et de vigueur de la philosophie grecque ; ce sont ces trois principes, subordonnés l’un à l’autre, dans le même ordre où ils s’étaient succédé. Le Néo-platonisme recueille ainsi les doctrines qu’ont laissées les âges antérieurs ; il les relève

    rieur à J.-C, enseignaient au sujet du Verbe, on trouvera un résumé très clair dans : C. Fouard, La vie de N.-S. Jésus Christ, 19e édition, t. I, Paris 1908 ; appendice, II, le Verbe de Saint Jean, pp. 418-432.

  1. F. Ravaisson, Op. laud., pp. 281-282.