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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Abraham Evenazre ou Aezera, qui est interprétés Maistre de aide ; que translata Hagins li juis de ebrieu en romans ; et Obers de Mondidier escrivoit le romans. Et fut fait à Malines, en la meson sir Henri Bate ; et fu finés l’en de grace 1273, lendemein de la Seint Thomas l’apostre. »

Ainsi Obert de Montdidier écrivait la traduction en français que lui dictait le rabbin Hagins ; version médiocre, d’ailleurs, et que Pierre d’Abano, comme nous le verrons, jugea bon de reprendre.

Ce rabbin[1], qu’Henri Bate recevait et, peut-être, hébergeait dans sa maison, est, sans doute, celui qui, à son hôte aura, dicté en romans la version du Liber de mundo vel sæculo ; l’astronome de Malines n’aura eu d’autre soin que de mettre en Latin le Français de son auxiliaire.

Cet intermédiaire est si peu niable qu’il arrive à Bate d’en mettre en doute la fidélité.

Un passage du Liber de Mundo val sæculo émet l’hypothèse que les durées des diverses révolutions célestes pourraient être incommensurables entre elles, en sorte qu’une certaine disposition prise par les astres ne se pourrait jamais reproduire.

Ce passage provoque, de la part d’Henri Bate, cette brutale observation[2] : « Je ne sais pas pourquoi le traducteur, ici, a sali le parchemin en mettant sa propre prose dans le texte, et en voulant montrer qu’il sait la Mathématique. — Nescio quare hic translator deturpavit pergamenum ponendo se in textu et ostendendo se scire mathematicam. »

Henri Bate ne s’est pas contenté, d’ailleurs, de traduire des ouvrages d’Astrologie ; il en a composé. Nous avons déjà mentionné sa Nativitas, et la collection imprimée contient deux autres petits écrits relatifs à la même science. Le premier est ainsi intitulé : Liber de consuetudinibus in judiciis astrorum, et est centiloquium Bethen, brere admodum ; c’est un recueil de cent aphorismes qui résume les principes essentiels de l’Astrologie judiciaire. Le second, encore plus bref, a pour titre : De horis planetarum.

  1. Sur cet Hagins, outre la notice de Paulin Paris précédemment citée, voir : Ernest Renan, Les rabbins français du commencement du quatorzième siècle, Première partie : Juiveries du Nord. Les traductions hébraïques de L’Image du Monde (Histoire littéraire de la France, t. XXVII, 1877, pp. 501-509).
  2. Abrahe Avenaris Judei Liber de Mundo vel seculo éd. cit., fol. LXXX, col. c.