Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
356
LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Néo-platonisme, ce que la Philosophie païenne toute entière eussent refuse d’accorder à Denvs. Plus volontiers, la Sagesse antique eût souscrit à ce que le Prêtre chrétien dît1 2 de l’amour des choses imparfaites pour le Bien suprême :

« Le Beau, le Bien sont dignes d’exciter le désir et l’amour de toutes choses ; toutes choses les chérissent, C’est à cause du Bien et en vue du Bien que les choses inférieures aiment les objets qui sont au-dessus d’elles et se tournent vers ces objets. » La Bonté descend ainsi vers les choses, car elle on <is1 la cause efficiente ; les choses montent vers la Bonté, qui est leur cause finale ; ce double mouvement est une double aspiration amoureuse. « C’est là coque veulent nous signifier les théologiens3 lorsqu ils donnent à Dieu tantôt les noms d’amour et de tendresse, tantôt les noms d’objet aimé, d’objet chéri.

» il est, en effet, l’auteur de l’amour et de la tendresse ; il les produit et les engendre ; et, d’autre part, il est lui-même aimé et chéri. Il est mû par l’amour et la tendresse ; et c’est en tant qu’objet aimé et chéri qu’il meut les choses ; il se dirige vers les choses, il les oriente vers lui. Voilà pourquoi les théologiens le nomment objet aimable et chéri, car il est beau et bon. D’autre part, ilslc nomment amour et dilection,carilest puissance motrice ; il attire les choses en haut, vers lui-même qui, seul, est bon et beau pal1 soi ; ils désignent par là cette manifestation du Bien même par lui-même, cette bienveillante procession vers une éminente union, cette mise en mouvement amoureuse absolument simple, se mouvant elle-même, opérant par elle-même, qui préexiste dans le Bien, qui, <lu Bien, se répand dans toutes les choses qui existent, et qui se réfléchit pour revenir au Bien. En celte procession, l’Amour divin 11’a ni commencement ni lin ; il est semblable à un cercle éternel ; il est en vue du Bien, il est issu du Bien, il subsiste dans le Bien, et il revient au Bien ; rien ne saurait le faire dévier de cette perpétuelle circulation. »

Le Livre des Causes nous avait montré comment 1 Intelligence se connaissait elle-même et comment, sans sortir d elle-même, par cotte connaissance qui se fermait sur elle-même, elle connaissait toutes choses. Ici, ce n’est plus la connaissance, c’est l’amour qui, au sein du Bien suprême, décrit un semblable cycle, cl qui, sans sortir de la souveraine Bonté, comprend en lui lamour de Dieu pour toutes choses et détermine l amour de toutes choses pour 1. Dionysii Aheopagitæ 7 ?e divin is nominiôus Cap. IV, art* 10 ; éd* I, p* 563.

2. Dionysii Aiœopagit.e O/a laad, , Cap. IV, art. i/i ; éd. cil., t. hpp* 507-568.