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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

Alphonsines et de juger du degré d’exactitude qu’elles atteignent Désireux donc d’apprécier par lui-même cette exactitude, l’auteur s’est proposé de réitérer, au moins en partie, le travail de Guillaume de Saint-Cloud et de reprendre la détermination de l’époque de l’équinoxe de printemps. « C’est pourquoi moi[1], Jean de Murs (Johannes de Muris), temporairement domicilié à Évreux, étudiant à la Faculté des Arts, originaire de Normandie et du diocèse de Lisieux, faisant alors des observations sur les mouvements des planètes, j’ai voulu déterminer, en l’an 1318 du Seigneur, l’entrée du Soleil dans le signe du Bélier. »

En marquant avec cette exactitude qu’il était né en Normandie, au diocèse de Lisieux, Jean de Murs prévoyait-il qu’on voudrait un jour faire de lui un enfant de la Savoie[2] ?

Voici comment noire astronome normand s’y est pris pour effectuer la détermination qu’il souhaitait d’obtenir :

« Je me suis servi, dit-il[3], d’un instrument congru à cet objet ; cet instrument, que l’on nomme kardaya, comptait quinze pieds en son rayon et portait, divisée (arcuata), la sixième partie du quadrant. Cet instrument, je l’ai dressé suivant la ligue méridienne, sur une pierre immobile, aussi verticalement qu’il fut possible ; en l’année 1318 du seigneur, commencée en janvier et encore courante, le treizième jour de Mars, l’ombre du Soleil marquant sur le cadran un rayon qui portait sensiblement sur la lettre B, j’ai ainsi trouvé 41° 26′ 40″ pour hauteur méridienne du Soleil en ladite cité d’Évreux, qui se trouve à quelque distance de Paris, vers l’Occident ; de cette hauteur, j’ai retranché la hauteur méridienne de l’équateur qui, en cette ville, est 41° 10′ comme à Paris, et j’ai trouvé qu’il restait 16′ 40″ ; c’est l’excès de cette hauteur méridienne sur la hauteur du point équinoxial ; à midi, donc, le Soleil avait déjà dépassé le commencement du Bélier ; et l’entrée du Soleil dans le Bélier avait devancé de 7 h. 20 min. l’heure de notre observation ; elle s’était produite durant la journée du 12 mars, à 16 h. 40 min. Pour affirmer et établir ce fait, et pour donner crédit à mon observation, j’invoque deux témoins solennels, savoir le roi Alphonse et maître Guillaume de Saint-Cloud… En effet, de ces deux hommes solennels, qui ont procédé en Astronomie avec plus de subtilité que tous les autres, les enseignements concordent avec mon observation ; en raison de cette concordance, il faut

  1. Ms. cit., fol. 159, Io
  2. Trépier. Jean de Meurs (Johannes de Muris} ou un Savoyard méconnu au XIVe siècle (Mémoires de l’Académie de Savoie), 1872, B, XII, pp. lxxxj-ciij).
  3. Ms. cit., fol. 160, Io.