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LES SOURCES DU NÉO-PLATONISME ARABE

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lui-même, de telle façon que cc premier Moteur de toutes choses est absolument immobile.

Appliquons cette théorie à ce on quoi se résout toute substance lorsqu’on la dépouille de toute forme, à la Matière première ’. La Matière première, vide de toute ; forme, n’a et ne peut avoir aucune existence ; elle n’existe d’une manière actuelle qu’à la condition d’être informée, et ses transformations consistent à perdre une forme pour en recevoir une autre. La Matière première est susceptible de mouvement ; ce mouvement consiste à recevoir une forme et, comme tout mouvement, il est produit par lin désir ; la Matière a l’appétit de la forme comme l’imparfait a l’appétit de la perfection, comme l’œil désire la vue, comme l’épouse désire l’époux. C’est ce désir qui produit en la Matière première le mouvement par lequel elle reçoit la forme ; or, cette réception est Lopérât ion qui lui donne l’existence, en sorte que cc mouvement, aclnx enti* in po/enlia, selon la définition d’Aristote, engendre la perfection de l’être qui, de la puissance, va vers l’acte. Bien de plus conforme à la Philosophie péripatéticienne que ce désir par lequel la Matière est mue afin d’entrer en l’existence actuelle. Voici maintenant une théorie qui, sans contredire au Péripatétisme, le surpasse.

Aristote nous a montré* comment le premier Moteur immobile se comprend lui-même ; Proclus nous a décrit cette opération intellectuelle où ce qui est connu est identique à ce qui connaît, et la Théohx/’u1 2. a développé renseignement de Proclus. Maintenant, elle y ajoute cet autre enseignement : Cette opération par laquelle l’intelligence se saisit elle-même est provoquée par l’amour que T Intelligence a pour elle-même. Pour comprendre les essences intelligibles3, l’intelligence active n’a nul besoin qu’un mouvement la transporte hors d’ellemême ; c’est en elle-même, eu effet, que résident les espèces intelligibles, objets de sa connaissance ; elles lui sont substantiellement identiques. Dans le Monde intelligible, donc, on peut dire qu’il n’y a pas de différence entre ce qui comprend et ce qui est compris. On peut dire également qu’il n’y a pas de différence entre ce qui aime et ce qui est aimé ; l’intelligence, en effet, 11e peut comprendre eu l’absence de 1 Amour ; sans P Amour, l’intelligence 1. Aristotelis Theotogia, lib. IV, cap. Il ; éd. i5ig, fol. ig, recto ; éd. 1672, fol. 3a, recto et verso.

2. Aristote, AMaptysiçue, livre XI, ch. IX (Aiustotelis Opéra, éd. Didot, t. 11, pp. 608-609 ; éd. Bekker, vol, U, p. 1074, col. b. et p. 1075, col. a). 3. Aristotelis 77ieo/o^/a, lib. X, cap. XIV ; éd. i5ig, fol. 53, recto et verso ; éd. 1572, fol. 89, verso, et fol. go, recto.