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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

demeurerait isolée et solitaire ; elle ne comprendrait plus rien ; seul, FAmour est capable d’adapter à l’intelligence l’objet que celle-ci veut saisir.

Sans cesse, donc, en L’Intelligence, coexistent ces trois choses : Ce qui comprend, ce qui est compris, el, FAmour qui procède de l’un et de l’autre.

A ces trois choses, ajoutons le mouvement et le repos. C’est par un mouvement, en effet, que l’intelligence comprend F l ut cil igible ; mais ce mouvement n’est point un passage, un changement ; c’est une perfection, une adaptation, qui 11’arrache pas l’intelligence à son premier état, en sorte que ce mouvement est un repos. Nous avions déjà vu que ce mouvement, qui est un repos, conduit l’intelligence d elle-même à elle-même ; nous voyons maintenant qu’il est excité par cet Amour qui porto F Intelligence vers elle-même.

L Intelligence, c’est F ensemble même du Monde intelligible ; on peut donc dire encore que les idées du Monde intelligible s’aiment entre elles d’un Amour où il y a identité entre ce qui aime et ce qui est aimé.

Dans ce Monde-là, donc, « FAmour intelligible 1 conjoint toutes choses par un lien volontaire, par une union vitale, par un appétit de la lin suprême ; un tel lion ne se peut jamais dissoudre ; il n’y a rien qui en puisse surpasser la force, car, en ce Monde supérieur, il n’y a aucune lutte, aucune haine ; il y régne une souveraine concorde et une communion de vie. » Image du Monde intelligible, le Monde sensible ifen est qu’une image imparfaite ; FAmour existe donc entre les êtres du Monde sensible, mais il n’a pas même force qu’entre les choses du Monde intelligible ; parfois il est vaincu par les éléments dont les choses sensibles sont composées et son lien est brisé. Au mouvement, issu du désir, qui attire la matière vers la forme, les choses inférieures vers le Bien suprême ; à l’amour mutuel des idées les unes pour les autres, des choses sensibles les unes pour les autres, la Théologie d’Aristote va maintenant joindre une autre procession amoureuse, celle des*clioses d’en haut pour les choses d’en bas ; et dans la description de cette procession, ce n’est plus la pensée péripatéticienne qui lui servira de guide ; c’est la philosophie chrétienne si magnifiquement développée par Denys. Dieu ne serait pas principe et souverain bien s’il ne produisait i. Aiustotells ràeoZoi/ïdj lib. VIII, cap. IX ; étl, i5ig, fol.41, recto ; édi 1^72, fol. 71, recto el verso.