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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

combattre la colère, la violence et la malice des planètes en conjonction. Il y n plus ; il sort par marche rétrograde du signe des Poissons, qui est sa demeure propre ; il fuit la vue des Poissons pour entrer dans le Verseau, qui est la demeure de Jupiter ; cela indique manifestement la fuite du roi de France, étant donné, surtout, que, dans l’ordre des royaumes, le signe des Poissons désigne la France et la Perse.

Au commencement de l’Almageste, Ptolémée dit que le savant aura domination sur les astres ; il dit, dans le Centiloquium, que les effets des étoiles sont compris entre le nécessaire et le contingent, car les hommes prudents peinent les détourner et les écarter ; or, parmi les mortels présents, il n’en est aucun qui soit de sens plus prudent que Votre Sainteté ni qui ait, d’une manière effective, plus de puissance ; qu’Elle s’efforce donc de s’opposer rapidement aux périls imminents dont je viens de parler et de les prévenir par un secours efficace ; en effet, ce que, pour les autres, on regarde comme impossible ou comme nécessaire, pour Vous, on l’estime, ajuste titre, facile à faire ou à éviter.

» Que Votre Sainteté, cependant, fasse attention à une chose. Si Vous ne prenez soin d’avance d’annuler les maux et les infortunes qu’annonce la seconde conjonction, afin que ces maux ne se produisent pas, Vous ne pourrez seconder commodément les heureux événements et les bonnes fortunes en faveur de la foi chrétienne qu’annonce la première conjonction. Qui combattrait, en effet, pour soumettre les Sarrazins, si le sang chrétien était répandu et frappé de mort ? Personne assurément. Il y a plus ; la conjonction serait frustrée de la signification dont j’ai parlé, dès là que la matière susceptible d’obéir à son influence viendrait à manquer ; et c’est ce qui aurait lieu ; en sorte que l’erreur prendrait une force plus grande ; et la dernière erreur serait plus forte que la première et que celle qui a subsisté dans l’intervalle.

» L’ordre suivant lequel il convient de procéder en cette circonstance est assez évident, il consiste à extirper, en premier lieu, les guerres entre chrétiens et les occasions de ces guerres ; par un traité de paix universelle, à restaurer et unir les diverses parties de la Chrétienté ; enfin, à l’époque qui a été précédemment marquée, à ordonner un passage général outre-mer. »

Nous avons tenu à citer textuellement une grande partie de cette curieuse lettre, car elle est instructive à divers égards.

Jean de Murs croit à l’influence des astres sur les choses d’ici bas. Cette influence, d’ailleurs, n’est pas d’une puissance tellement nécessitante qu’elle puisse supprimer la libre action de