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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

l’homme ; l’homme averti peut en seconder les effets ou les combattre. En cette croyance, notre astronome ne voit rien qui contredise à sa foi chrétienne ; naïvement il en entretient le pape Clément VI, comme Roger Bacon, au cours de l’Opus majus, en avait entretenu le pape Clément IV ; en particulier, comme Roger Bacon, il traite librement avec le pape de ce fameux horoscope des religions où, de nos jours, un Renan, fort mal informé des idées du Moyen Âge, et fort peu disposé à les interpréter avec exactitude, a cru voir une grande impiété.

Cette croyance à l’Astrologie n’eût pu se maintenir aussi longtemps et régner d’une manière si générale si des coïncidences fortuites n’étaient venues, de temps en temps, conformer les événements à ses prédictions. Si Jean de Murs a vécu assez longtemps pour être témoin du désastre de Poitiers (19 sept. 1356), il a dû penser qu’il avait été bon prophète ; peut-être éprouva-t-il quelque embarras à expliquer comment l’effet annoncé par la terrible conjonction de Jupiter et de Mars avait pu précéder de près de neuf mois la conjonction elle-même ; mais cet embarras ne dut troubler que légèrement la satisfaction d’avoir annoncé les événements si longtemps d’avance, et si exactement.


VII
LES CONTEMPORAINS DE JEAN DE MURS. LÉVI BEN GERSON.
FIRMIN DE BELLEVAL. LA RÉFORME DU CALENDRIER

Jean de Murs n’était donc pas seulement astronome ; à l’occasion, il s’adonnait à l’Astrologie ; l’Astrologie, d’ailleurs, était, bien souvent, la source des profits qui permettaient aux astronomes de poursuivre leurs recherches de science pure ; elle seule les pouvait signaler à l’attention du peuple et aux faveurs des grands.

En 1341, il y eut conjonction de Saturne, Mars et de Jupiter. Ce phénomène préoccupa fort les astrologues du temps, qui s’empressèrent à l’envi de l’observer et de tirer les enseignements qu’ils en espéraient recevoir touchant les événements futurs. Un manuscrit de la Bibliothèque Nationale renferme trois des pronostics qui furent alors composés ; ce sont la Pronosticatio super conjunctionem Saturni, Jovis et Martis anno Domini 1344o de maître Leo Jadæus [1], celle de maître Johannes de Muris [2], celle enfin de

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 7378 A, fol. 61, vo à fol. 63, ro.
  2. Ms. cit., fol. 63, ro et vo.