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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

être. » Nous voyons ainsi qu’en nous-mêmes, la connaissance a déjà pour effet la réalisation de la chose connue ; l’idée que nous concevons est une force créatrice, un commencement d’exécution. Pour mettre en évidence, par un exemple encore plus saisissant, comment une action imaginée tend à se réaliser, Al Lazàli cite les effets du vertige. « L’homme qui passe sur une poutre reliant l une à l’autre deux murailles très élevées juge qu’il va tomber, et il tombe ; sa chute provient du jugement. Si la poutre est posée par terre, il s’y promène et ne tombe pas ; il ne juge pas qu’il doive tomber, aussi ne tombe-t-il pas. »

En nous, donc, une idée tend déjà, par l’intermédiaire du désir ou de la crainte, puis des mouvements musculaires qui en résultent, à sc transformer en réalité. C’est un exemple de ce que nous allons affirmer au sujet du premier Principe : Par là même qu il connaît une chose, cetle chose existe ; mais entre la connaissance et l’existence, il n’y a plus, comme dans notre âme, l’intermédiaire du désir.

« L’action du Premier Principe provient-elle de lui comme le mouvement provient du désir ? Cela est faux, car le désir et la volonté ne lui conviennent pas. Ce sont, en effet, des facultés par lesquelles on recherche quelque chose qu’on n’a pas et qu il vaut mieux avoir que ne pas avoir. Mais dans 1 Être nécessaire, il n y a rien en puissance dont la possession puisse être recherchée par lui... Il ne nous reste donc d’autre opinion à recevoir que ce lie -ci : La prescience que Filtre nécessaire a de Fordre de F Univers est la cause pour laquelle l’ordre de FUnivers découle de lui... La science du premier Principe, en effet, est assez grande pour que ce quil prévoit provienne de lui... Nous l’avons déjà dit : Seul, ce qui esl imparfait est mû par l’intention. Notre volonté, à nous, consiste à choisir une chose qui nous est utile. Mais, pour le premier Principe, sa volonté de l’ordre universel consiste en ceci : Sa science sait que telle chose est bonne en soi, que l’existence de cette chose vaut mieux que sa non-existence... L’essence du premier Principe est donc telle que tout ce qui est découle de lui, de la manière la plus pleine et la plus parfaite qui soit possible, suivant un ordre qui va depuis le commencement jusqu’à la fin...

A

» Mais, dira-t-on, qu’y aurait-il d étonnant à ce que 1 litre nécessaire, en même temps que la science, eût l’intention, comme nous l’avons nous-mêmes ? Que sou intention fût de voir le bien s’épandre de lui sur les autres choses, encore que ce ne fût pas en vue de lui-même ? Ainsi pouvons-nous avoir une intention...