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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Intelligence nue et immuable, ne pourrait, nous l’avons dit, provenir un mouvement changeant.

» L’Ame, qui est mue et active, serait de puissance finie, car elle est incorporée1 2 ; mais d’un être qui n’est pas corps et qui a une puissance infinie, elle reçoit une influence ; cette influence, on n’eu saurait douter, est un libre amour ; par là, la puissance de l’Ame est élevée au-dessus du fini.

» Cette chose qui n est pas corps, n’est pas un agent du mouvement ; elle est cause du mouvement parce qu’elle est aimée et parce qu elle est objet d’une intention, non parce qu elle presse directement. et constamment (axxvluet) le mobile. On ne peut, en effet, comprendre qu’un être, immobile en lui-même, meuve un autre être, sinon paT le moyeu de l amour, à la façon dont un objet aimé meut celui dont il est aimé.

» Mais, dira-t-on, comment peut-on comprendre qu’une Intelligence devienne motrice à l’aide de l’amour ? » Nous répondrons qu’un tel moteur peut Vôtre de deux manières.

» 11 peut être lui-même ce qu’ on recherche ; ainsi la science meut, par l’autour de la science, celui qui veut acquérir la science ; elle est, elle-même, ce qu’on recherche lorsqu’on la poursuit. j> Il peut aussi être le modèle auquel on s’efforce de ressembler ; ainsi le maître est aimé par son disciple cl il le meut afin que le disciple lui devienne semblable..*.

» Or, le mouvement du ciel ne peut être de la première sorte. L’idée que nous avons d une Intelligence nous montre qu’on ne saurait comprendre qu’un corps en pût recevoir l’essence ; nous avons montré ailleurs, en effet, qu’une Intelligence ne pouvait subsister dans un corps

» Il ne reste donc que cette affirmation* : L’Ame désire avec tendresse s’assimiler à l’intelligence en acquérant une forme qui lui ressemble ; elle vent s’approcher d’elle en se conformant à elle ; ainsi le fils s’assimile au et le disciple au maître

» Il est donc certain que tout cela ne peut être que par le désir de se rendre semblable à l’objet aimé. Dès lors, (rois conditions sont exigées : ■

1. Cf. Afe/tr/j/iysrca Avicennæ, Lib ïl. tract. IX, cap. Il : 4 11 est certain que le Moteur du corps céleste est mû par une puissance infinie ; ur la vertu tpii provient de l’Arue incorporée est seulement finie ; niais, en tant que cette Ame comprend le premier Principe, une influence se fait en elle, qui découle du fleuve de puissance du premier Principe^ et elle devient comme un être qui aurait une puissance infinie ». 2, Cf* Avicennæ Afetaphysica* Lib. 11, tract. IX, cap. 11.