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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

gence en puissance qu’est notre âme raisonnable ; c’est elle, en outre, nous le verrons, qui est créatrice de la Matière première dont sont formés tous lescorpsduMomie sublunaire1. Dans cette Matière première, créée par l’intelligence active, les orbes animés déterminent des dispositions différentes ; telle partie de la matière devenant apte, par là, à recevoir une forme plus noble que celle dont telle autre partie est susceptible. Enfin, à cette Matière ainsi prédisposée, les Intelligences séparées qui président aux mouvements des astres confèrent les formes qui lui conviennent le mieux. <■ En effet, si la Matière dont sont faites les mouches était capable de recevoir une forme plus parfaite que la forme de mouche, l’intelligence qui lui a donné sa forme lui eût infusé cette forme plus parfaite ; car elle n’est point avare et ne connaît point d’empêchement. » En ces termes Al Gazàli exprime l’optimisme absolu qu’il tient d’Avicenne et que celui-ci avait emprunté au Livre des Causes.

Sauf leur Matière première, qu’elles tiennent de l’Intelligence active, les choses du Monde sublunaire reçoivent donc des cieux et de leurs moteurs toute la part de bien à laquelle elles ont droit. « Il s’est trouvé des hommes, dit Avicenne 2, pour prétendre que la diversité de ces configurations et de ces mouvements célestes semblent être produits dans l’intention d’engendrer les choses corruptibles. » Avicenne développe les motifs qu’on invoquait en faveur de cette opinion : Les cieux se meuvent afin de ressembler autant que possible à la Cause suprême ; or la Cause suprême est la source d’où tout bien découle en ce Monde ; c’est par là que les cieux veulent lui devenir semblables, en sorte que ce qui les meut, c’est le désir de répandre les influences bonnes et fécondes au sein de la matière sublunaire. Dans une telle opinion nous retrouvons la trace de la doctrine que la Théologie d’Aristote avait empruntée au Christianisme ; elle affirme, en une circonstance particulière, ce désir qu’éprouve tout être de produire, dans un être inférieur, le bien dont il est capable.

Avicenne 3 et Al Gazàli qui ont combattu d’une manière générale la doctrine de la Théologie d’Aristote. s’élèvent non moins vivement contre cette conséquence particulière. « Il est impossible, dit Avicenne, que l’intention de créer les corps susceptibles de génération et de corruption soit la cause i. Philosophia Algazelis, Lib. J, tract. V. a. Avicennæ Lib. II, tract. IX, cap. III.

3. Avicenne, toc. cit.

$. Philosophia Algazelis, Lib. 1, tract. IV, cap. IL