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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

où la solution qu’ils proposent est on désaccord formel avec celle qu’Arîstoteavait énoncée ; et cette question n’est point de minime importance ; elle concerne les fondements mêmes de la Philosophie première ; aussi des systèmes qui ne s’accordent pas touchant la réponse qu’il y faut faire doivent-ils être regardés, en dépit de leurs similitudes apparentes, comme radicalement inconciliables entre eux.

(Jette question, la voici : Quelle est la nature et quelle est l’origine de la Matière première ?

L’essence même de la Philosophie d’Aristote, c’est qu elle ne se croit pas tenue de choisir entre les deux branches de ce dilemme : A

Etre ou ne pas être. A ce dilemme, elle substitue un trileinme : Ne pas être, être en puissance ou être en acte. Que pouvoir r/re, ce soit déjà é/rc d’une certaine manière, c’est l’affirmation vraiment neuve du Péripatétisme, et celle sur laquelle repose toute la doctrine.

De là, une première et immédiate conséquence. Certaines choses peuvent être constamment en acte ; tel le premier Moteur immobile de F Univers, telles les Intelligences qui président aux mouvements des cieux.

D autres choses ne sont en acte que pendant un certain temps ; elles commencent d’exister en acte, ce qui est la génération ; elles cessent d’exister en acte, ce qui est la corruption. Mais avant qu’une chose ne soit en acte, elle peut être ; elle a cette sorte d’existence qu’est F existence1 en puissance ; la génération, ce n’est donc pas le passage du non-être à l’être, mais le passage de l’existence en puissance à l’existence en acte ; de même, la corruption n’est pas le passage de l’être au non-être, niais le passage de Fexistence en acte à l’existence en puissance. Aussi, dans le système d’Aristote, serait-il contradictoire de parler, pour quelque chose que ce fut, du passage du non-être à l’être, c’est-à-dire de la création, ou du passage inverse de l’être au non-être, c’est-à-dire de l’anéantissement. L’affirmation que l’existence en puissance est une forme d’existence, se complète, dans la doctrine d’Aristote, par une seconde affirmation, qui est celle-ci : Jamais une chose n’existe en puissance qu une autre chose n’existe en même temps en acte ; ces deux choses qui coexistent, l’une en puissance et l’autre en acte, discernables par la seule abstraction, sont intimement unies dans la réalité et forment une seule et meme substance. Ainsi la possibilité d’être vapeur, la vapeur existant en puissance ne se séparent pas, sinon par abstraction, de quelque chose qui existe d’une