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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

bien sur toutes choses ; niais de cet influx, chaque chose reçoit sa part dans la mesure de sa force et de son être. » Puisque la Cause première, absolument une, laisse déborder sur le Monde un influx de bonté qui est parfaitement homogène, parfaitement uniforme, d’où viennent donc aux choses créées ces vertus et possibilités différentes qui les obligent à recevoir en des mesures inégales le bien également répandu ? Puisque le Principe du bien est parfaitement un, quel est le principe de cette inégalité dans la participation au bien ? Le commentateur de Proclus ne laisse-t-il pas rentrer dans son système un principe indépendant de la Cause première, et où l’on retrouve comme un souvenir de la ûXï) péripatéticienne ? N’est-ce pas ce principe latent qui, de l’unité de la Cause première, lui permet seul de faire sortir la multiplicité des créatures ?

Ce principe de diversité, Damascius en a formellement admis l’existence.

« Damascius déclare ’ qu’on ne comprend pas Y abaissement de lin à une multitude d’unités secondaires. Comment concevoir que la nature exempte de toute différence devienne, à quelque égard, différente d’elle-même ? Comment concevoir que la simplicité absolue devienne d’elle-même multiplicité ? Ce n’est donc pas du Principe simple tout seul que vient la procession, soit celle du semblable au semblable, soit celle du semblable au dissemblable, qu’on a nommée abaissement ; aucune procession ne vient de l’unité, mais bien de la multitude...

» Partout où il y a pluralité, l’unité n est donc pas la seule cause ; il faut, en outre, un élément de multiplication et d’extension, ce que Platon nommait le lieu ou 1 espace. C’est faute de pousser assez loin l’analyse (pion ne fait qu’une même cause de la cause de l’unité et de celle de la distinction. Avant toute naissance de la pluralité, il faut donc nécessairement que la cause de la distinction se soit d’abord séparée de la cause mystérieuse, supérieure à toute distinction. Comment ce second principe a-t-il pu se séparer du premier ou, plutôt, puisque, pour cela, il faudrait encore un principe antérieur de division, comment subsiste t-il avec lui de foute éternité ? C’est une question que Damascius se pose et n’essaie pas de résoudre. 11 se contente, dit-il, de prendre pour accordé qu’il y a un élément de multitude où se divise la simplicité de l i n, en sorte que, modifiée selon la nature du sujet i. F. Ravaisson, Ess-ii sur la Métaphysique fl’Aristote. Partie IV, livre I, ch, III ; t. H, P. 534-537.