Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IV.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

pondre à chaque date de l’année, le nom d’un jour de la semaine. Cette détermination de la date de Pâques et, par conséquent, des dates des autres fêtes mobiles, qui dépendent de celle de Pâques, faisait ainsi, à l’Église catholique, la double obligation de régulariser le calendrier solaire et le calendrier lunaire ; elle proposait l’étude du calendrier ou comput ecclésiastique aux méditations des clercs savants en Astronomie.

Au Concile de Nicée, tenu en 325, la date de la fête de Pâques fut réglée d’une manière que les pères du Concile, peu versés aux choses des astres, purent croire définitive ; l’équinoxe du printemps fut fixé au 21 mars du calendrier julien. Mais l’insuffisance de la correction julienne du calendrier devait rendre, de siècle en siècle, cette détermination plus fautive ; les computistes ne tardèrent pas à s’en apercevoir [1] ; déjà, Bède le Vénérable avait reconnu que l’emploi du nombre d’or ne conduisait pas toujours à des résultats exacts.

On ne saurait, cependant, s’attendre à rencontrer des vues précises sur les erreurs du calendrier solaire ou lunaire et sur les remèdes qu’il conviendrait d’y apporter, alors que l’étude de l’Astronomie, au sein de la Chrétienté latine, demeure en enfance. Il est clair que le problème de la correction ou, comme on disait alors, de la réparation du calendrier, ne se posera pas avec netteté tant que les Occidentaux n’auront pas reçu des Arabes la doctrine de Ptolémée et les tables numériques dont les observateurs du monde musulman l’avaient enrichie.

La première évaluation de l’erreur qui affecte le calendrier solaire construit selon la méthode julienne paraît se trouver au Computus qu’un certain maître Conrad rédigea en 1200 et que nous connaissons par un commentaire composé en 1396 [2]. La naissance de N. S. J.-C., pense maître Conrad, eut lieu le jour du solstice d’hiver ; « mais, ajoute-t-il, depuis la naissance du Seigneur jusqu’à maintenant, c’est-à-dire jusqu’à mon temps, douze-cents ans se sont écoulés, en sorte que le jour du solstice d’hiver a devancé de dix jours la Nativité du Seigneur. »

  1. Nous nous bornons à retracer ici, d’une manière très sommaire, une histoire dont on trouvera l’exposé détaillé dans l’article suivant :

    Ferdinand Kaltenbrunner, Die Vorgeschichte der Gregorianischen Kalenderreform (Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Classe der K. Akademie der Wissentschaften zu Wien, Bd LXXXII, 1876, pp. 289-414. M. Kaltenbrunner a réuni de nombreuses indications sur les travaux des computistes ecclésiastiques touchant le cycle luni-solaire et le nombre d’or ; nous avons entièrement délaissé cette partie de la question pour n’examiner que la réforme du calendrier solaire ; au sujet de cette réforme, on trouvera ici plusieurs renseignements qui avaient échappé à M. Kaltenbrunner.

  2. M. Kaltenbrunner, Op. laud., pp, 293-296.