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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — I. LES ASTRONOMES

Une évaluation toute semblable se trouve en un Computus anonyme, construit en 1223, que Vincent de Beauvais a reproduit au Speculum. Naturale[1] ; comme maître Conrad, l’auteur de ce Computus admet que l’année julienne excède l’année tropique et que les excès accumulés atteignent un jour tous les cent-vingt ans.

Le préambule des Tables de Londres, que nous avons été conduit à dater de 1232, ne se borne pas à signaler cette erreur ; il insiste sur l’étrange amplitude qu’elle prendra avec les siècles.

« L’année solaire, dit-il[2], est cet espace de temps au bout duquel le Soleil, partant d’un point déterminé du firmament, revient au même point, ce qui, on le sait, arrive après 365 jours et un peu moins de six heures.

» Les computistes ecclésiastiques ne tiennent pas un compte exact de cet un peu moins ; et l’erreur qui en résulte s’est accrue au point que les fêtes ne sont plus célébrées quand elles doivent l’être. Bien plus, de la naissance du Christ jusqu’aujourd’hui, les fêtes des saints, les quatre-temps ont déjà rétrogradé de dix jours et plus par rapport aux solstices et aux équinoxes. » Notre auteur admet donc, lui aussi, une erreur d’un jour en cent-vingt ans, qui donne, en 1232 ans, dix jours et six heures.

« Le solstice d’hiver, qui se trouvait alors au jour même de la naissance du Christ, se trouve maintenant dix jours avant. J’en dis autant du solstice d’été qui avait lieu en la fête de Saint Jean ; il a lieu maintenant dix jours avant,

» Aussi, si le Monde dure encore seize mille ans, la Nativité du Seigneur se trouvera en été ; l’été a lieu, en effet, lorsque le Soleil entre dans le Cancer ; on est, au contraire, en hiver, quand le Soleil entre dans le Capricorne. »

Le Computus ecclesiasticus, composé en 1244 par Joannes de Sacro-Boscco, traite, lui aussi, de l’erreur du calendrier julien ; cette erreur est si faible qu’elle est, suivant lui, difficile à connaître :

« L’année solaire, dit-il[3], est le temps que le Soleil, partant de l’un quelconque des quatre points solstitiaux ou équinoxiaux, emploie à parcourir, de son mouvement propre, le Zodiaque tout entier, jusqu’à ce qu’il revienne au meme point… Le terme de

  1. Vincenth Burgondi Episcopi Bellovacensis Speculum Naturale ; Lib. XV : De formatione cælestium luminarium. Cap. LII : De his quæ observat Ecclesia secundum quatuor tempora.
  2. Voir : Tome III, p. 235.
  3. Libellus Joannis de Sacro Busto, de anni ratione, seu ut vocatur vulgo computus ecclsiasticus. Cum prœfatione Philippi Melanthonis. 1545. In fine : Impressum Vitebergæ, apud Vitum Creutzer. Anno MDXLV. De anno solari.