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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

A droite comme à gauche du Néo-platonisme, on admettait la proposition qu’Aristote invoquait volontiers comme un axiome ‘ : « Dans le domaine des choses éternelles, possibilité et nécessité ne font qu’un ». Les conclusions que, de part et d’autre, on justifiait par ce même axiome, gardaient entre elles la contradiction qui, les unes aux autres, opposait leurs prémisses ; mais elles étaient également inconciliables avec la philosophie des Néo-platoniciens.

La Matière première, disait Aristote, n’a pu avoir de commencement ; elle existe de toute éternité ; donc elle est nécessaire et n’a pas de Créateur.

Le Monde acté créé librement par Dieu, disaient d’un commun accord Juifs, Chrétiens et Musulmans ; il n’est pas nécessaire ; donc il n’est pas éternel ; il a eu un commencement. Entre cette thèse et cette antithèse, les Néo-platoniciens s’efforçaient, en dépit de l’axiome posé par Aristote, de maintenir cette synthèse :

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Le Monde n’est pas nécessaire ; en soi, il n’est que possible ; il ne peut exister que par l’action d’une Cause créatrice ; et cependant, il n’a pas commencé et ne finira pas ; il est éternel. A l’axiome également admis par Aristote et. par les théologiens juifs, chrétiens ou musulmans, ils substituaient cet autre principe : Ce qui est parfait est immuable.

En vertu de ce principe, un être parfait ne peut «li commencer de produire un effet ni cesser de le produire, car cela supposerait eu lui un certain changement, par lequel il deviendrait cause après ne l’avoir pas été, ou cesserait d’être cause après l’avoir été ; tout effet d’une cause parfaite et, partant, éternelle est donc, lui aussi, éternel.

Cet argument fondamental, Proclus l’avait déjà développé avec netteté : « Tout effet qui provient d’une cause immobile, disait-il 2. est nécessairement et par nature éternel. Si Entre qui crée, en effet, est immobile, il est immuable. S’il est immuable par essence, il crée par son existence même, et non point en passant de l’inaction à l’activité ou de la non-création à la création. S’il éprouvait semblable passage, en effet, il subirait un changement qui serait ce ■

L Vïde sw/>r«. p. 486.

2 Joannes (ihammat-cus Philoponus Alexandrin us. /n Dmdoc/H dltodeoigin /i arpu/nenta de A/undî ae/eivii/fi/e. . loanue Mahotio interprète Lugduni, i5r»7- — In fine : Lugdnni, exeudebal Ni col ans Edoardus, Campanus, quinto idns lanuarias i557« Procli Diadochi argumentara quartum, pp. 24-a5. — Ioannks Philopoxus De aeternitote Afundi. Udidit Hugo Rabe. Lipsiae^ MDCCCXCLXj pp. 55-56.