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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME
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LA ! RI S RE L* ARISTOTÉLISME

en vérité, c’est obscurité plus profonde que toutes les autres obscurités ; si quelqu’un rapportait qu’il l a rêvé, on en conclurait qu’il est en mauvaise santé ».

Mais Al Gazàli ne se contente pas de tourner cette doctrine en dérision ; il veut montrer quelle est sans force et. pour cela, il s’attaque à ce qui en est comme le nerf.

C’est d ans la nature même du premier Causé, de la première Intelli genre créée, qu Al kàràbi et Avicenne ont mis une première dualité, d’où dériveront toutes les autres multiplicités ; pour eux, cette nature est déjà double, à la fois possible et nécessaire, possible par son essence, et nécessaire pat* la Cause première qui l’a produite ; se connaissant elle-même, cette Intelligence voit sa nature sous ce double aspect ; elle se sait possible par elle-même et nécessaire par autrui : de cette double connaissance, résulte une double création, celle d un orbe céleste et colle d une Intelligence.

Or, ce dédoublement qu’Al Eàràbi et Avicenne pratiquent‘dans la science du premier Causé, Al Gazàli va le soumettre à la rigueur de sa critique.

Voici, en elfef, le dilemme entre les branches duquel il enserre les Philosophes 1 ;

Lorsque vous dites que le premier Créé se connaît lui-même cl connaît aussi son Principe, entendez-vous qu’il connaît son Principe en tant qu’il connaît sa propre essence, et que connaître son Principe, c est simplement, pour lui, se connaître soi-même ? Ou bien entendez-vous que, par cette connaissance, il connaît autre chose <pie lui ? Si connaître son Principe el sc connaître soi-même, c’est, pour le premier Causé, une seule et même chose, où trouvez-vous, dans cette science, la multitude, le caractère double que requiert votre théorie ? Si, au contraire, le premier Causé, eu connaissant son Principe, connaît autre chose que lui-même, en même temps qu’il se connaît lui-même, la dualité existe bien dans sa science. Mais cette même dualité, vous voilà contraints de l’introduire aussi dans la (Luise première. Vous avez admis, en effet, qu’en se connaissant elle-même, (die connaît les êtres qu’elle crée ; vous êtes tenus d’avouer qu’elle connaît, par là, autre chose qu elle-même, aussi bien que le premier Causé, en connaissant son Principe, connaît autre chose que lui-même. Donc, pas de dualité dans la science du premier (Luise ou pas d’unité dans la science de la première Cause.

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1, Averroès, /or. vîn^t-quatrièiae : Ait Algazeî,