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LE NÉO-PLATONISME ARABE

AVERROÈS

pas hors de ce temps. 11 est bien clair, en effet, qu’il ne veut pas (pie les choses singulières soient éternelles ; car s’il voulait qu elles fussent éternelles, elles le seraient. Partant, de chacune des choses singulières, il veut quelle soit pendant un certain temps et que, pendant un autre temps, elle ne soit pas. Si donc vouloir qu’une chose soit pendant un certain temps et qu’elle ne soit pas hors de ce temps, c’est, par là-même, éprouver un changement, bien est en perpétuel changement. »

Pour éviter de donner prise à cette objection, certains Néo-platoniciens refusaient à Dieu la connaissance des choses temporaires et changeantes ; ils lui accordaient seulement la connaissance des choses éternelles et immuables ; bien, à leur avis, ne connaît pas Socrate ni Platon, il ne connaît que l’espèce humaine, perpétuelle et exempte de tout changement.

L’argumentation de Jean Philopon eût pu être reprise, au contraire, avec une force convaincante, à l’encontre d Avicenne. Avicenne, en effet, accordait 1 à Dieu la connaissance des choses singulières soumises au changement et à la durée temporaire, et cependant, il voulait qu’il les connût d une science soustraite au changement et au temps, d une science conciliable avec sou immuable éternité. « Comme Dieu est le principe de toute existence, disait Avicenne, il connaît par lui-même toutes les choses dont il est le principe, et il sait qu’il en est le principe ; il connaît donc les choses dont chacune est parfaite en sa singularité ; il connaît aussi les choses soumises à la génération et à la corruption ; celles-ci, il les connaît, d’une part, en leurs espèces, et, d’autre part, en leurs individus ; mais ces êtres variables et les changements qu’ils éprouvent, il ne les peut connaître en tant qu’ils sont variables, d’une connaissance individuelle et soumise au temps ; il les connaît d’une autre manière que nous avons démontrée. »

Al Gazàli, d’ailleurs, dans sa Philosophie, avait exposé, avec son habituelle clarté-, ces pensées d Avicenne ; il s’était attaché à montrer « que la Cause première ne peut connaître les choses singulières d’une science en laquelle il y ait un passé, un présent et. un futur » ; « que la Cause première connaît seulement les choses particulières d’une manière universelle, de toute éternité et sans lin, car elle n’éprouve aucun changement ». Ce qu’Avicenne et ses disciples disent de la science de Dieu, i, Avicenn.e Melapliysica, I.ib. il, tract. X III, cap. VI. Philosophait Algazeus, Lit». I, tract. lit.