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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

tendre quelques-uns des principes trop rigides et trop étroits qu* Aristote avait posés. L’existence en puissance était devenue I ;l possibilité* qu’on attribue, sans doute, â une chose existante, mais qui nesl plus, par elle-même,une façon d exister : la j/.z, éternellement nécessaire était devenue une première Matière, éternelle il est vrai, mais qui tenait son existence d’une autre cause. Les Intelligences séparées préposées aux orbes célestes, avaient, elles aussi, perdu leur nécessité, tout en gardant leur éternité ; elles aussi recevaient leur existence du premier Principe. Le premier Principe n’était plus seulementle premier Moteur d’êtres qui existent par eux-mêmes ; il était devenu le Créateur d’êtres qui, par eux-mêmes, sont seulement possibles ; il m* pouvait donc plus être cette Intelligence qui se connaît elle-même, mais qui ne connaît rien hors d’elle-mème, qui ignore tout des autres êtres ; en se connaissant lui-même, le premier Principe connaissait toutes les choses qui reçoivent de lui l’existence, et c’est en les connaissant qu’il les produisait.

Or cet assouplissement, cette dilatation des principes essentiels du Péripatétisme n’avaient pu se taire sans que ces principes en devinssent moins fermes et moins robustes. Là où l’antique enceinte avait dû s’ouvrir pour qu’une muraille plus étendue put embrasser de nouveaux domaines, ou devinait des fissures mal rejointoyées, on découvrait des angles faiblement défendus. Avec perspicacité, Al liazàli sut discerner ces points où le mur était peu solide et d’attaque facile, el c’est là qu il fit brèche. S’il vint donc aisément à bout du Néo-platonisme, c’est qu’en voulant comprendre dans une même doctrine les enseignements du Péripatétisme et les dogmes communs aux trois religions, le Néo-platonisme avait tenté une œuvre que la structure du Péripatétisme ne comportait pas ; monument dont toutes les parties se compénètrenl et se soutiennent les unes les autres, la Philosophie d’Aristote, prise en son intégrité, est d’une rigidité admirable ; maison n’y saurait abattre un pan de muraille que l’édifice entier n’en branle et chancelle. Los Néo-platoniciens hellènes cl arabes ont voulu y percer quelques baies : ils ont préparé la destruction qu’Al Gazâli devait achever.

liés lors, pour résister à la sape d’Al tiazàli. la tactique à suivre s’imposait aux Philosophes. Il fallait boucher, en y bâtissant un rempart plus épais encore <pie l’ancienne muraille, ces ouvertures par lesquelles le Néo-platonisme avait voulu rejoindre la rhéologie ; il fallait rétablir, en 1 exagérant au besoin, la solide unité du Péripatétisme ; il fallait rendre cette doctrine plus rigoureuse, plus